par Chris17
Tu te lèves le matin un peu dans les vapes, passablement d’humeur maussade. Tu prends ton petit déjeuner, agissant par reflex plus que par réelle envie. Tu te laves, te décrottant les cacas au coin des yeux, espérant par-là ouvrir quelque sens. Tu t’habilles avec soin certains jours, d’autres tu enfiles la première chose venue.
Tu prends le moyen de transport habituel qui te conduit presque fatalement au boulot tous les jours. Tu salues tes collègues de la manière la plus joviale que tu peux trouver ce matin là. Tu essaies de te plonger dans le dossier en retard laissé la veille en désordre sur ton bureau. Avec un peu de chance, personne de plus haut placé ne viendra te le réclamer aujourd’hui. Un peu d’effort et ce sera terminé pour celui-ci avant d’en entamer un autre tout aussi passionnant. La journée se passe, plus ou moins lentement.
Le soir, le même moyen de transport, cette fois-ci en sens inverse. Sur le chemin, un arrêt obligé à la supérette ou, plus occasionnellement, à l’hypermarché un peu plus loin. Tu rentres chez toi, tu fermes les volets parce qu’il fait déjà noir, tu bouffes plus ou moins bien, plus ou moins rapide. Tu t’affales devant la télé, exceptionnellement, tu ouvres le dernier bouquin qu’il faut avoir lu pour ne pas paraître idiot auprès des collègues et tu t’endors comme une masse, en pensant à la journée du lendemain.
Le lundi, tu regrettes le week-end. Le mardi, tu te réveilles un peu sur ce qui se passe autour de toi. Le mercredi midi arrive et tu penses que c’est enfin le milieu de la semaine. Le jeudi est très long, parce que veille du vendredi. Le vendredi, tu attends toute la journée l’heure de la débauche.
Le samedi est passé à faire un peu de ménage ou à faire les achats indispensables qui permettront de survivre la semaine durant. Et le dimanche, tu t’emmerdes quant même, essayant de ne pas penser trop tôt à l’approche du lendemain.
Et puis viennent enfin les vacances, trop longues à arriver, trop courtes à passer. Tu claques en un voyage tout le fric que tu t’es efforcé d’économiser avec plus ou moins de bonheur tout au long de l’année. Et la première chose que tu dis aux collègues en revenant au boulot, c’est un truc du genre : « Vivement les prochaines vacances. » Et le pire c’est que tu le penses vraiment.
Et ça recommence, et ça continue...
En fin de compte, tu te rends compte que le temps file assez vite. Les habitudes font place aux années passées et puis un jour tu te retrouves vieux sans t’en être vraiment rendu compte et tu penses à faire un rapide bilan de tout ça et tu te retournes et tu te dis : « Merde, quel gâchis, quand même. Ce n’était pas horrible, mais c’était pas sensas non plus. »
Un jour, tu en as marre. Tu te décides à quitter ce boulot qui te répulse de plus en plus. Tu décides d’aller voir ailleurs. Tu penses avoir enfin trouvé le job dont tu rêvais depuis l’enfance. Et c’est vrai en partie. Car en comparaison avec ton ancien boulot, tu fais à présent un truc qui semble te plaire davantage. C’est dur de se remettre en cause, soudain, les premiers temps sont durs, parce que tu n’as plus la rage de tes vingt ans, mais tu retrouves peu à peu tes marques. Et tu avoues être bien content quand une certaine routine s’installe. Tu es accepté par tes collègues, respecté un tant soit peu par tes patrons. La routine reprend le dessus. Mais tu ne l’appelles pas encore de ce nom, parce que tu as toujours en tête ton ancien boulot, et tu te félicites d’avoir eu, une fois pour toutes, un peu de cran.
Bon, il y a toujours les amis, ceux qu’on encense quand ils sont près de vous, ceux qu’on fustige lorsqu’ils sont plus loin. C’est le continuel va-et-vient d’amours éternels et d’engueulades récurrentes. Celui que vous aimez un jour sera votre ennemi du lendemain. Et inversement. Au bout du compte, c’est toujours les mêmes querelles avec les mêmes personnes qui reviennent éternellement. Mais ça met un peu de rythme dans cette monotonie ambiante.
Et puis, tu rencontres une personne que tu apprécies un peu plus. Les autres appellent ça l’Amour, alors pourquoi ne pas y croire ? Des fois, l’autre t’apprécie aussi. En d’autres cas, c’est un combat perdu d’avance. Certaines fois aussi, ça capote au bout de quelques temps. Plus chanceux, ça peut durer. Pour certains, c’est même à vie. Tant mieux. Dans tous ces cas, de toute façon, la vie paraît prendre une nouvelle tournure. Puis, immuablement, le rituel s’impose. C’est comme ça. Mais qui a dit que le répétitif était un mal ?
La retraite arrive enfin pour toi, tant attendue. Merde, c’est bien quand même de n’avoir rien à faire d’obligé. Tu prends ton temps à faire ce que tu n’as jamais eu le temps de faire : tu te mets à la peinture, tu refais à neuf ton appartement. Tu es heureux.
Un jour, tu te sens plus fatigué que la veille.
Un matin, tu ne te réveilles pas. Avec un peu de chance, tu auras quelqu’un qui essaiera de te réveiller.
C’était beau la vie, on aurait pu tomber pire.
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