14/12/2005 Dehors, déjà, le clivage est violent malgré le calme des deux troupes. D'un côté de l'avenue du Peuple belge, l'association des amis de Christian Vanneste, créée pour l'occasion, rassemble des proches du député UMP de Tourcoing: la soixantaine bedonnante, ils parlent volontiers de «lobby des homosexuels» et du «courage» de celui qui défend «une certaine idée de la France». En face, du côté du palais de Justice de Lille, les associations LGBT et la gauche locale forment un groupe coloré, venu affirmer qu'«on ne peut pas utiliser la liberté d'expression pour discriminer». Soudain, à l'arrivée de Christian Vanneste, les sifflets fusent, les mots «homophobe», «facho» et «colonisateur» sont lancés. Tout sourire, le député fend la cohue qui le suit jusqu'à la chambre correctionnelle. Une risette pour les journalistes, devant lesquels il affirme assumer ses propos. Selon lui, il n'y a «aucune raison» pour que les homos soient choqués par ses déclarations à l'Assemblée nationale, puis dans la presse lilloise (lire Quotidien du mardi 13 décembre) pour lesquelles il comparait. Mais devant Karine Weppe, la présidente du tribunal, son visage se ferme. Les parties civiles s'expriment en premier: secrétaire de SOS Homophobie, Jacques Lizé évoque une nette augmentation des appels sur le numéro vert, depuis les propos du député: «Les gens ont senti une trahison républicaine. Après des années d'écoute, mon sentiment est que les homophobes se sentent du côté du bien, ils pensent avoir le droit de faire justice eux-mêmes.» Jérôme Martin, président d'Act Up-Paris, se dit «profondément touché» par le terme «sectaire» employé par le député, «alors que notre combat est universel. De tels mots sont dangereux car ils nous infériorisent et excluent le débat démocratique.» Appelé à la barre par la présidente, Christian Vanneste défend chacun de ses propos, ramenant à lui Voltaire et Lévi-Strauss: «Le problème touche au fondement même de l'humanité, affirme-t-il. En quittant le monde animal, elle a abandonné l'inceste et l'homosexualité. […] Le comportement homosexuel n'est pas une identité, c'est quelque chose de discret, intime. Une personne ne trouve pas son essence dans sa sexualité. Je ne me sens pas essentiellement hétérosexuel.» Murmures dans la salle. «L'homosexualité n'est pas innée mais acquise, et elle peut être rééduquée. […] Je n'ai aucune prévention contre les personnes homosexuelles, je n'incrimine pas les personnes, je déteste leur comportement.» Côté parties civiles, l'avocat du Sneg demande: «Quelle est cette vision du comportement détaché de la personne?» Réponse de M. Vanneste: «Elle est essentielle. En tant que professeur, j'ai récompensé des comportements moralement valables, comme le jour de la fête des mères où je félicite des mamans qui se sont consacrées aux enfants. Je constate cette inégalité des mérites.» Caroline Mecary, l'avocate de SOS Homophobie, appelle comme témoin une rhétoricienne venue expliquer que la métonymie de Christian Vanneste dépasse l'objet (le comportement homosexuel) pour attaquer le sujet (l'homosexuel lui-même), qualifié ainsi d'inférieur. Également appelé, Jean-Luc Romero, conseiller régional d'Ile-de-France, vient témoigner que la majorité des membres de l'UMP n'approuve pas ces propos, dont il se dit «très blessé». Pour l'avocate d'Act Up-Paris, Alia Aoun, «l'accusé ne porte pas seulement atteinte aux homosexuels, mais aussi à l'ordre social puisqu'il divise les individus. Sa qualité de parlementaire donne l'apparence de respectabilité à la haine et au mépris», plaide-t-elle. Les associations réclament chacune une publication de la sanction dans la presse et 7.500 euros de dommages et intérêts qu'elles affecteraient à la lutte contre l'homophobie. Les trois avocats de la défense, dénoncent, bien sûr, une atteinte à la liberté d'expression. Aux journalistes, Me Jean-Yves Leborgne parlait même de «soft dictature». Il joue la carte de l'invalidité de la procédure: sur la légitimité du Sneg, représenté par son président Jean-François Chassagne, à se porter partie civile, mais surtout sur la conformité de la loi du 30 décembre 2004 (intégrant l'homophobie parmi les discours condamnables au même titre que le racisme ou le sexisme) avec la Convention européenne des droits de l'homme défendant la liberté d'expression. Le procureur Laurent de Caigny les renvoie au traité d'Amsterdam, qui combat toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Replaçant le procès dans son contexte, celui de la première invocation de la loi de 1881 (sur la liberté de la presse) pour raison homophobe grâce à son extension en 2004, le procureur lance: «La loi est réfléchie, universaliste, même si, c'est vrai, elle limite la liberté d'expression. Jamais la cour n'a admis que l'injure rentrait dans le champ du débat politique.» Christian Vanneste, sollicité par la présidente, n'a rien à ajouter. Il est plus de 22 heures, après six heures d'audience, l'audience est levée. Le délibéré sera rendu le 24 janvier. http://www.tetu.com/images_news/11345633531.jpg |
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