10/03/2009 Soixante-douze ans de bons et loyaux services effacés en l'espace de quelques mois. Neuf exactement. Le temps d'un rachat de Chez Moune par l'équipe de La Clique, déjà propriétaire du Baron et d'autres lieux fashion de la night à Paris. Pour dire les choses clairement, depuis le 1er juin 2008 (le contrat a été signé le 19 mai), le «cabaret-discothèque féminin né en 1936» semble pour le moins avoir perdu son âme. Cet écrin Art Déco au cœur de Pigalle avait déjà connu des hauts et des bas, mais un changement aussi radical, ça, jamais. Exit les soirées filles du samedi. Les lesbiennes qui n'ont plus droit de cité dans ce temple historique des garçonnes et de leurs compagnes, il faut vraiment le voir pour le croire... Johanne, la programmatrice des lieux, qui avait déjà fait part ici-même de ses craintes au moment du changement de propriétaire, est aujourd'hui partagée entre révolte et incrédulité. «Il n'y a plus de soirée filles, beaucoup se font refouler et celles qui réussissent à atterrir là se demandent ce qui se passe, explique cette "dernière des Mohicanes". C'est méconnaissable. En plus, le cabaret, qui est un lieu historique, est taggé de partout, les cadres où se trouvaient les vitraux représentant des femmes ont été fracassés...» Et les témoignages de (bientôt anciennes?) clientes atterrées affluent. L'une, qui explique pourtant qu'elle «n'aime pas trop les clans», parle ainsi d'une clientèle «plutôt bobo et irrespectueuse». Une autre, choquée, dit : «On veut aller Chez Moune pour s'y sentir chez soi au milieu de connaissances ou d'amis, pas au milieu de garçons ou de certaines filles nous jetant des coups d'œil malsains comme si nous étions des pestiférées. Nous le subissons assez au quotidien pour ne pas avoir à le subir dans cet endroit où, pour ma part, je me sentais comme chez moi... avant.» «Que d'hommes samedi soir, mais que se passe-t-il ?», se demande cette autre, venue de province. Contacté par Têtue.com, le propriétaire des lieux, Lionel Bensemoun, explique avoir «essayé pendant deux-trois mois, même un peu plus, de maintenir la soirée du samedi. C'était très calme, il n'y avait pas plus de 40 ou 50 personnes dans l'établissement. Or une soirée qui se termine avec 400 euros dans la caisse, ce n'est pas possible.» Le patron de La Clique affirme pour autant ne pas être «du tout contre une soirée filles, si une organisatrice réussit à m'amener 100 ou 150 personnes. Mais pour le moment, je n'en ai pas eu de proposition.» Selon lui, le principe d'une clientèle mixte serait plus conforme à l'air du temps. «C'est devenu une clientèle plus mélangée, même les lesbiennes n'ont pas la volonté de faire un truc uniquement pour les lesbiennes, précise Lionel Bensemoun. Et ça m'étonnerait qu'il y ait un manque de respect. Le portier, Marcel, est le même qu'avant et on a gardé tout le personnel qui est lesbien. Quant à l'état du lieu, c'est vrai que l'établissement a été dégradé car il y a trop de monde. Mais j'ai prévu des travaux cet été et pour cela j'ai racheté exactement les mêmes matériaux que ceux d'origine.» Soirée mixte avant le rachat du cabaret Pas du genre à baisser les bras, Johanne veut croire qu'il est encore possible de perpétuer l'héritage historique et culturel de Moune. Qu'il est encore possible de faire mentir cette notule visible sur certains sites web spécialisés dans la vie la nuit expliquant que «Chez Moune est un ancien cabaret lesbien de Pigalle». «Je suis fermement pleine d'espoir, dit-elle. Mais en même temps, je ne sais pas par quel bout prendre le combat. Certaines filles suggèrent un sit-in un samedi soir. Après tout...» |
Webmaster / Éditeur : Monclubgay.com © | Réalisation : Nichetoo.net | ||
Conditions d'utilisation |
|