19/03/2009 La France a exprimé ce matin par la voix du ministère des Affaires étrangères sa «très vive inquiétude devant les conséquences» pour la lutte contre le sida des propos du pape Benoît 16 contre l'usage du préservatif. Le pape, qui a entamé au Cameroun hier, mardi 17 mars, son premier voyage en Afrique, a abordé d'emblée le sida, en campant sur la position de l'Église catholique contre l'usage du préservatif. Avant même d'atterrir sur le continent, à bord de l'avion papal, il a estimé que l'on ne pouvait «pas régler le problème du sida», pandémie dévastatrice en Afrique, «avec la distribution de préservatifs». «Au contraire (leur) utilisation aggrave le problème», a-t-il affirmé. Il a ajouté que la solution passait par «un réveil spirituel et humain» et l'«amitié pour les souffrants». «La France exprime sa très vive inquiétude devant les conséquences de ces propos de Benoît 16», a déclaré à la presse le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Eric Chevallier. «S'il ne nous appartient pas de porter un jugement sur la doctrine de l'Eglise, nous estimons que de tels propos mettent en danger les politiques de santé publique et les impératifs de protection de la vie humaine», a-t-il poursuivi. «Je suis catastrophée par ces propos que j'estime irresponsables en tant que ministre garante de la santé publique», a indiqué en fin d'après-midi Roselyne Bachelot, ministre de la Santé. «Il faut rappeler des choses d'évidence : que le sida est une maladie dont on ne guérit pas et que la seule mesure de protection reste le préservatif», a-t-elle ajouté. La ministre belge de la Santé Laurette Onkelinx a fait part dès hier soir de sa «stupéfaction» et de sa «consternation» face aux propos du pape. «C'est avec stupéfaction que la ministre de la Santé publique, Laurette Onkelinx, a pris connaissance des propos tenus par le pape Benoît 16 à l'occasion de son voyage à Yaoundé», a déclaré son ministère dans un communiqué. «De tels propos tenus par le chef de l'Église au 21e siècle, en dépit des recommandations unanimes du monde scientifique en la matière, sont le reflet d'une vision doctrinaire dangereuse», a fait savoir la ministre. «Ses déclarations pourraient anéantir des années de prévention et de sensibilisation et mettre en danger de nombreuses vies humaines», met en garde Laurette Onkelinx. «Un message de mort aux Africains» Jean-Luc Romero, président de l'association Élus locaux contre le sida, a déclaré quant à lui ce matin être «totalement scandalisé et sidéré» par les déclarations du pape, considérant qu'il s'agissait d'«un message de mort adressé aux Africains». «Faudrait-il rappeler au pape que l'Afrique subsaharienne reste la région la plus durement touchée par le VIH et représente 67% du total des personnes vivant avec le VIH et 72% des décès dus au sida en 2007? Faudrait-il rappeler à Benoît 16 que l'espérance de vie au Swaziland n'est que de 32 ans? Faudrait-il lui rappeler que le seul vaccin disponible reste aujourd'hui le préservatif?», s'est interrogé le conseiller régional (divers droite) d'Ile-de-France. Qualifiant le discours du souverain pontife d'«inacceptable et irresponsable», il a estimé qu'il «met à mal le travail des associations de lutte contre le sida et condamne à mort bien des Africains». La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, qui préside le groupe d'études Sida à l'Assemblée nationale, a affirmé dans un communiqué que «les paroles prononcées par le pape pour inaugurer son premier voyage sur le continent africain peuvent être qualifiées d'irresponsables et de criminelles». Elles sont insupportables et doivent être énergiquement condamnées», a ajouté la députée de Seine-Saint-Denis. L'ancien Premier ministre Alain Juppé (UMP), interrogé par France Culture, a estimé que «ce pape commence à poser un vrai problème», car vivant «dans une situation d'autisme total». De religion catholique «parce que je suis né dedans» et parce que «je suis attaché aux valeurs chrétiennes», le maire de Bordeaux a cité la réintégration d'evêques «dont l'un est l'apôtre –si j'ose dire– du négationnisme», l'excommunication au Brésil et l'affaire du préservatif. «Il y en a assez maintenant de ce pape», a déclaré de son côté le responsable écologiste Daniel Cohn-Bendit, estimant que les déclarations du pape relevaient «presque du meurtre prémédité». Bertrand Delanoë exprime dans un communiqué son «inquiétude» après les déclarations récentes du pape Benoît 16, «contraires à la vérité et irresponsables au regard des enjeux humains.» «En usant de son autorité morale et spirituelle pour dénoncer le seul moyen de prévention contre le sida, le Pape pose un acte dont chacun mesure la gravité», estime le maire (PS) de Paris. «Des associations et des bénévoles luttent chaque jour, depuis des années, avec un courage admirable, pour venir en aide aux malades ou pour diffuser les messages d'information et de prévention, et Paris les soutient activement. Les paroles du Pape constituent une entrave bien regrettable à leur travail, et c'est là une lourde responsabilité. À quelques jours du Sidaction en France, je forme donc le vœu que l'Eglise catholique, dont les messages sont écoutés dans le monde, trouve à l'avenir les mots pour défendre les moyens de préserver vraiment la vie.» Consternation des associations «On est un peu les bras ballants face à une déclaration pareille. On se dit mon Dieu! en 2009, il en est encore là! C'est triste», commente d'ailleurs Bernard Audoin, directeur général de l'association Sidaction, qui déplorant «un tel décalage avec la vie des gens». «On sait médicalement parlant que le préservatif est efficace à 99,9%. Dire que le préservatif peut aider à la propagation de l'épidémie ouvre la porte à toutes les interprétations sur l'inefficacité du préservatif», prévient-il. «Partout en Afrique, on travaille avec des religieux et des religieuses, confrontés à des malades et des décès tous les jours, et qui savent que c'est le seul moyen de prévention». «J'espère qu'il va profiter de voyage en Afrique pour se rendre compte de la réalité», ajoute-t-il. «Le pape qui parle du préservatif, c'est comme si je parlais de l'immaculée conception. J'aimerais qu'il parle de ce qu'il connaît.» «Dans un monde idéal, personne ne dépasse les limites de vitesse, personne ne boit trop d'alcool, il n'y pas de crise et d'ailleurs pas de malades», dit-il encore en référence à l'idéal de fidélité et de chasteté prôné par l'Eglise contre la propagation de l'épidémie de sida. Médecins du Monde s'est aussi alarmé des propos du pape. «Très clairement ce sont des paroles gravissimes quand on voit l'impact que ce type de message peut avoir en Afrique où vivent les deux tiers des personnes séropositives», a estimé Béatrice Luminet, responsable de la prévention de la pandémie de Médecins du Monde. «C'est insupportable, cela contribue à mettre en péril les actions de prévention menées depuis des années par les ONG, a-t-elle poursuivi. Ces paroles seront relayées sur le terrain et auront évidemment un impact en terme de perturbation des messages (de prévention) notamment sur le continent africain où le catholicisme est influent.» Le sentiment de décalage de la vision du pape avec la réalité est également éprouvé parmi les associations africaines. «C'est la consternation. Le pape vit-il au 21e siècle?» s'est demandé Alain Fogué, du Mouvement camerounais pour le plaidoyer à l'accès aux traitements (Mocpat). «Les gens ne suivront pas ce que le pape dit. Il vit au ciel et nous sur terre. Prétendre que le préservatif "aggrave" le problème du sida va totalement à l'encontre de tous les efforts fournis ces dernières années par le gouvernement camerounais et les autres acteurs impliqués dans la lutte contre le sida au Cameroun», a poursuivi M. Fogué. Une autre association camerounaise, regroupant des personnes «infectées et affectées» par le virus du sida, a exprimé mardi son embarras après les nouvelles déclarations du pape. «On ne condamne pas, mais ça nous embarrasse», a déclaré à l'AFP Lucie Zambou, présidente de SunAids. «Nous, sur le terrain, nous sommes embarrassés par le refus (de l'Église) de l'implication du préservatif dans la vie sexuelle. C'est un problème important. (...) Qu'on ne nous dise pas que ça n'a pas un impact sur la lutte contre le sida.» |
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