24/03/2009 «Au-delà des murs» devrait séduire votre public lesbien grâce à son message de tolérance. Néanmoins, certaines lesbiennes vous reprochent toujours votre manque d'engagement auprès de la communauté... Catherine Lara : Je n'ai jamais eu de lien avec la communauté lesbienne militante, et je n'en aurais jamais. Vous savez pour moi les ghettos, en dehors des ghettos à la crème bien sûr (rires), ce n'est pas pour moi. J'aime tellement la liberté que militer pour moi c'est se mettre dans un ghetto. Arriver avec un drapeau, c'est dire que je fais partie de quelque chose d'autre et moi je ne veux pas. Je ne veux pas être en dehors de la société, je ne me sens pas anormale. Je défendrais la cause des homosexuels au bout de la vie s'il le fallait, mais pas avec un drapeau en proclamant «Regardez, j'en suis» ! Je ne peux pas c'est au-dessus de mes forces. En revanche, quand je vais aux Enfoirés, au Sidaction, à Sol en Si, j'ai l'impression de bien plus que militer. Je vais au-delà car au lieu de brandir un drapeau je préfère les actes. Vous ne brandissez pas de drapeau, mais vous avez tout de même été la première artiste à déclarer publiquement son homosexualité. Je suis une femme de passion, dans mon métier comme dans ma vie privée. J'ai été une pionnière dans l'honnêteté. Je n'ai pas fait croire autre chose que ce que je vivais. Quand j'ai fait «Mon Zénith à moi» en 1986 avec Michel Denisot et qu'à sa question «Qu'est-ce que vous regardez en premier chez un homme», j'ai répondu «Sa femme !», tout a été désamorcé d'un coup et avec humour je crois. Il y a 20 ans, ce n'était pas facile, mais je ne regrette rien, au moins les gens qui m'aiment, m'aiment comme je suis. Peut-être que des gens ont évolué en voyant mon acceptation... Votre carrière aurait même pu s'arrêter nette. J'ai été honnête et courageuse car à l'époque où j'ai fait mon coming out car personne ne le faisait mais il est certain qu'à un moment donné ça ne m'a pas servi. Indéniablement, ce fut un frein à ma popularité. Avec Nuit Magique et la Rockeuse de diamants, il y avait une certaine envolée autour de moi, mais le fait d'annoncer mon homosexualité m'a marginalisée. Peu importe, j'ai toujours défendu le droit à ne pas être enfermée dans un tiroir. Je vis avec une femme, je n'aime pas LES femmes, j'aime UNE femme depuis 15 ans et ceci pour le reste de ma vie, enfin j'espère ! (rires) J'aime les hommes également, ma vie est entourée d'hommes, j'aime les hommes bien plus que bien des femmes d'ailleurs... J'ai aimé des hommes, j'ai aimé des femmes, je ne suis pas coincée dans une catégorie. Je suis la fille qui a dit les choses, c'est tout. Mais il faut être honnête, il est plus facile de dire qu'on vit avec une femme quand on a fait une carrière, quand on est socialement reconnue, que pour une ouvrière de chez Renault... Les gens sont à la limite contents, je représente l'artiste un peu marginale, qui vit d'une autre façon. On vous trouve toujours des références comme Cocteau ou Proust qui, par leur statut d'artistes, ont «droit à l'erreur»... (rires) Mais il y a tout de même un certain progrès dans les mentalités... Il y a du progrès certes. Quand je vois Amélie Mauresmo poser avec son amie dans Paris Match sur plusieurs pages, je me dis que l'homosexualité devient un peu plus naturelle dans la tête des gens. On commence enfin à penser un peu moins que nous sommes des grands malades à psychanalyser, que ça peut être de l'amour et que ce n'est pas une maladie ! Mais il ne faut pas trop rêver non plus, l'homosexualité n'est une chose acquise. On nous colle toujours dans des tiroirs, et au lieu de descendre vers des histoires de cul on devrait plutôt s'élever vers des histoires de cœur. Il ne s'agit que d'amour, je ne vois pas comment faire autrement que d'aller vers quelqu'un quand on est attiré. Quand j'étais petite fille, j'étais aussi bien attirée par des hommes que par des femmes. Que faire? Je me pelotonnais dans le giron des femmes, c'était doux, sensuel, agréable, je ne me disais pas que c'était interdit. Quand on est enfant il n'y a pas de racisme, de sexisme, pourquoi on ne retournerait pas vers ces valeurs ? D'ailleurs, j'ai horreur des adultes, je n'aime que les enfants ou les adultes qui ont su rester des enfants. Un enfant, c'est nature et même s'ils savent être très durs parfois, ils ne connaissent pas l'hypocrisie... Et vous-même, vous n'avez jamais songé avoir un enfant? J'ai failli! J'ai été enceinte, le papa était un très beau monsieur d'ailleurs ! Mais, je n'étais pas disponible à ce moment-là et donc je ne l'ai pas gardé, c'est la vie... Toujours au sujet de l'enfance, que pensez-vous des propos de Christine Boutin au sujet de l'homoparentalité et du projet de loi de Nadine Modiano sur le statut du beau parent ? Christine Boutin me fatigue. Il faut qu'elle vive avec son temps. Son discours, c'est de la connerie, je ne peux pas ! Il y a 30 000 enfants qui vivent avec un couple homoparental. Ils ont droit à la reconnaissance, à un statut. Si l'un des parents vient à mourir qu'est-ce qui se passe pour l'autre, et pour l'enfant ? On le met à la Dass ? Heureusement, que Nadine Morano est là au sein du gouvernement... Vous dites ça et pourtant vous êtes une femme de gauche... J'ai été une femme de gauche, politiquement, philosophiquement, mais aujourd'hui je me dis qu'il est préférable d'aider ceux qui sont au gouvernement que de leur tirer dans les pattes. J'en ai marre de ce discours qui veut qu'on démolisse quelqu'un au profit d'un autre. À gauche, il n'y a plus rien à bouffer, plus rien à se mettre sous la dent, c'est le désert de Gobi. On est loin d'un Mitterrand! J'ai la sensation que Sarkozy se bat comme un malade avec ses qualités et ses défauts... Et même si je garde mon cœur à gauche, j'ai plutôt envie d'aider ceux qui sont là et j'aimerais que la France ait ce mental de se demander comment faire pour leur donner un coup de main pour arriver à sortir de cette merde. Même s'il a des défauts, Sarkozy a réussi à ouvrir ses portes. Je n'ai pas envie de lutter contre lui. Et Dieu sait si j'ai été rebelle et j'ai toujours dit qu'il fallait mieux être belle et rebelle que moche et remoche ! (rires) Mais aujourd'hui, je voudrais être objective, astucieuse. Démolir mais ne rien proposer, je ne comprends pas. Je suis persuadée que l'on obtient plus de choses grâce à la tolérance qu'avec la violence. Au point de se prononcer sur le mariage pour les homos. Je trouve le Pacs très bien, mais pas le mariage pour les homosexuels. C'est une caricature du mariage hétéro, c'est clownesque pour moi. Nous avons toujours vécu différemment alors jouons le jeu jusqu'au bout. Nous sommes différents des autres, et bien soit, on ne va pas à l'église ou devant monsieur le Maire... C'est vrai que le Pacs a moins d'avantages que le mariage alors revoyons le Pacs, mais pas de mariage par pitié ! Alors que l'industrie du disque est en crise, vous, vous sortez un album et un DVD concept chez Universal complètement décalés par rapport à ce qui se fait... En effet, au moment où on dégage tout le monde des maisons de disques, moi j'arrive chez Universal avec des idées folles : je voulais faire un disque et un film! C'était un projet extrêmement ambitieux et onéreux et les premiers à rêver sur mon projet furent Universal puis RTL. Ils ont adoré le concept avec une fille qui joue du violon au milieu de danseurs dans un monde onirique à la Franco Dragone. Justement, votre spectacle est un mélange de musique et de danse, d'où vous est venue cette idée? C'est un puzzle qui s'est construit pièces par pièces en fait et dont la genèse a duré presque trois ans. Ce n'est pas rien à monter comme spectacle, c'est une espèce de gros navire et on n'a pas envie que ce soit la Titanic donc il faut se battre! (rires) Il m'a fallu une bonne année pour composer les musiques. Puis, pour les arrangements, j'ai travaillé avec Eric Mouquet un des deux musiciens de Deep Forest. Tout en faisant l'album, j'avais des images qui me venaient à l'esprit. J'ai fait huit ans de danse, je dansais comme un pied d'ailleurs car je voulais être en même temps Claude Bessy et Noureev, j'étais déjà partagée entre les deux personnages ! (rires) Quoi qu'il en soit, j'ai toujours voulu de la danse autour de ma musique. J'ai eu la chance de rencontrer Franco Dragone après avoir vu ses spectacles comme «Le Rêve», «O» ou celui de Céline Dion à Las Vegas. Franco m'a présenté son chorégraphe, Guiliano Peparini, qui a tout de suite voulu travailler sur mes musiques en créant des ballets. Ensuite, Gilles Papin a fait ce monde en trois D magnifique, élégant, poétique. Notre désir n'était pas de faire de la performance avec des gens qui agitent les bras toutes les deux secondes, nous voulions vraiment créer une émotion avec des danseurs qui viennent tout de même de chez Pina Bausch et Maurice Béjart, du haut de gamme! C'est un spectacle très humaniste qui distille un message de tolérance mais sans paroles, juste avec la musique et les corps des danseurs... Oui, avec ce spectacle nous sommes au-delà des tiroirs homo/hétéro, des hommes entre eux, des femmes entre elles... Il y a quelque chose de naturel. Il n'y a pratiquement pas de langage en effet, hormis un magnifique poème d'Akhenaton et une chanson très sensuelle chantée par une chanteuse américaine. Les auteurs vont être le public, chacun va se raconter sa propre histoire. Évidemment, il y a une histoire entre un vieil homme et un enfant, un fil conducteur qui est au-delà des murs, des rideaux, des masques des danseurs. Nous vivons dans un monde difficile, un monde de misère où les gens souffrent d'un manque d'argent. Les gens ont besoin de respirer, de rêver avec un spectacle sensoriel. Car ici tous les sens sont en éveil, les yeux, les oreilles, le nez avec un parfum diffusé pendant la soirée. Et pour la bouche on peut toujours embrasser son voisin ! (rires) J'ai vraiment voulu de quelque chose d'épanoui avec de belles émotions. Quand j'ai fait découvrir le disque à Mumu (Muriel Robin, ndlr), elle avait les larmes aux yeux, je l'avais emportée dans mon voyage... Vous n'avez pas peur de dérouter le public qui attend de vous des concerts plus classiques avec vos incontournables comme «La Rockeuse de diamants» ou «Nuit Magique»... Je ne m'aime pas assez pour me ressembler ! Ma vie c'est une balade musicale, un voyage. S'il avait fallu que j'écrive «Nuit magique» toute ma vie, je me serais drôlement fait suer ! Cette chanson fut une cerise sur le gâteau, tant mieux. Quand j'ai fait le premier Aral, je pensais n'en vendre qu'à ma famille et puis j'en ai vendu tout de même 250 000 exemplaires, d'un instrumental! Je suis la fille violon pour le public, les gens m'aiment comme ça, je joue comme je chante, je chante comme je joue, parfois il y a des mots, parfois il n'y en a pas, on n'est toujours obligé d'exprimer un langage verbal pour se faire comprendre. Il y a une âme dans un violon, c'est un instrument très expressif. Propos recueillis par Benoît Cachin et Ursula Del Aguila |
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