01/04/2009 À la fin des années 70, la société française est profondément conservatrice. L'homosexualité est un délit, les gays sont considérés comme des malades qu'il faut soigner et le parcours politique d'un Harvey Milk semble impensable. Pour défendre la cause des homosexuels, Jean le Bitoux et Gérard Vappereau décident de créer leur propre média. Gai Pied sort en avril 1979, sur le modèle du quotidien Libération, alors d'extrême gauche. Il est distribué dans les kiosques par les circuits officiels. «Pour une fois, on était comme tout le monde car on avait notre organe d'expression. Gai Pied était à l'image de notre vie réelle et non pas de notre vie fantasmée», souligne Luc Marcelot, 55 ans, lecteur de la première heure. À l'intérieur, on trouve des interviews d'hommes politiques, des critiques littéraires et des photos d'hommes nus. Les petites annonces de rencontre, très importantes pour les gays en régions, souvent isolés, financent une grande partie du journal. Pour le premier numéro, le philosophe Michel Foucault propose un article sur le suicide. Il est suivi par les écrivains Jean-Paul Aron et Jean-Paul Sartre. «Le soutien de tous ces intellectuels nous a permis d'éviter la censure politique et d'acquérir une légitimité», rappelle Jean le Bitoux, l'un des fondateurs. Fin 1979, les ventes de Gai Pied atteignent 15 000 exemplaires. Un outil de visibilité pour la communauté gay En 1982, l'homosexualité est dépénalisée. C'est l'année où le journal de la rue Sedaine change de formule. Il devient hebdomadaire et se concentre sur des sujets tendance, au détriment d'un engagement militant. La publicité prend davantage de place. Fermement opposés à ce tournant commercial, Jean le Bitoux et une trentaine de journalistes démissionnent. D'autres crises et scissions suivront. Pendant ce temps, le titre trouve un nouveau public. Les ventes culminent à 30.000 exemplaires en 1983. Pour Jean-Luc Hennig, collaborateur du journal dans les années 80, Gai Pied trouve alors sa place car il apporte une visibilité à la communauté gay. «C'était un espace de liberté pour une parole collective. Le magazine a aidé de nombreux homosexuels à sortir de leur honte et de leur anonymat». L'arrivée du Sida marque une étape dans l'histoire de l'hebdomadaire. Dans un premier temps, Gai Pied Hebdo évite d'en parler, estimant qu'il s'agit d'une campagne de diabolisation. Mais devant la progression de l'épidémie, le journal se lance dans la prévention. En 1985, un préservatif est inséré dans un numéro pour défendre le safe sex. À partir de cette date, une partie du lectorat s'en détourne. Au début des années 90, le tirage est réduit à 9.000 exemplaires. Une dernière formule avec une ligne éditoriale plus militante ne permet pas de faire revenir les lecteurs. Les recettes du minitel gay, 3615 GPH, ne suffisent pas à compenser les pertes. En 1992, le journal disparaît. C'est la fin des années Gai Pied. Une période clé dans l'histoire de l'émancipation des homosexuels français. Florianne Finet |
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