21/04/2009 On a refusé son don du sang parce qu'il est gay. C'est la raison pour laquelle Alexandre Marcel a porté plainte, mercredi, auprès du procureur de la République d'Alès. Quelques jours auparavant, ce décorateur de 28 ans, habitant d'un petit village proche d'Alès, avait voulu participer à la collecte organisée par l'EFS au centre communal de Bagard, dans le Gard. A la question «Avez-vous eu des relations sexuelles entre hommes?» du formulaire à renseigner, il répond : «Oui, relation fidèle depuis quatre ans et demie, test VIH négatif». Mais le verdict du médecin qui le reçoit est sans appel : son sang ne peut être collecté, en vertu de l'arrêté du 12 janvier 2009, signé par Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, qui remplace la circulaire du 20 juin 1983 du professeur Roux, directeur général de la santé aux débuts de l'épidémie. Cet arrêté, qui fixe les critères de sélection des donneurs de sang, prévoit l'exclusion permanente de dix-huit catégories de donneurs, dont les homosexuels. En revanche, les hétérosexuels ayant eu des pratiques à risque doivent simplement respecter un délai de quelques mois avant de donner à nouveau leur sang. Une démarche individuelle citoyenne A cette annonce, le sang d'Alexandre n'a fait qu'un tour. «J'ai été choqué d'apprendre qu'on me fichait, qu'on m'interdisait désormais un don de sang à vie parce que je suis homo» s'émeut-il. D'où ce dépôt de plainte, qu'il assume comme une démarche personnelle, plus que communautaire. Cette procédure est «celle d'un citoyen qui veut les mêmes droits que tous les autres» explique-t-il, comme celui de faire ce geste symbolique d'entraide qui peut sauver des vies. Alexandre conteste notamment l'argument de l'EFS et du ministère de la Santé selon lequel le taux de prévalence (le rapport entre les gays ayant contracté le VIH et la population gay qui se fait dépister et qui répond aux enquêtes) est très élevé en comparaison de celui des hétérosexuels. Selon l'Institut de veille sanitaire, qui prend appui aussi sur les enquêtes des centres de dépistage, le Baromètre gay, l'Enquête presse gay et le Baromètre gay 2005, ce taux de prévalence est voisin de 15%, d'une proportion quasi identique aux autres pays européens aux méthodes similaires (entre 10 et 15%), alors qu'il n'est que de 0,2 % chez les hétérosexuels en France. Mais pour Alexandre «ces chiffres ne sont pas représentatifs» puisque ce taux est obtenu à partir d'enquêtes déclaratives qui ne concernent qu'une partie de la population homosexuelle (estimée par l'InVS dans les années 90 à 300 000 homosexuels actifs) et non sa totalité. «Je n'ai pas le droit d'avoir de devoirs» Pourtant, la méthode de calcul du taux de prévalence de l'InVS n'est pas contestée par les associations de lutte contre le sida. Pour preuve, l'InVS va lancer à la fin de ce mois l'enquête «Prévagay» (lire l'article du 17 avril) dans des établissements gays parisiens volontaires avec le soutien d'Act Up-Paris, Aides, Le Kiosque et Sida Info Service. Cette question risque donc d'être encore largement débattue. Mais, selon Alexandre, le problème réside surtout dans la définition de la contre-indication permanente. Il préférerait la substitution de l'orientation sexuelle par le comportement individuel des donneurs. «Si je suis homo, que je n'ai pas de plutipartenariats, que je suis séronégatif, il n'y a aucune raison qu'on me refuse un don de sang si ce n'est une raison discriminatoire. Je n'ai pas le droit d'avoir de devoirs» explique-t-il. Le centre n'a fait qu'appliquer la loi Selon un proche du ministère de la Santé, contacté par Têtu, cette plainte n'appelle pas de commentaire par rapport aux positions de Roselyne Bachelot suite à la publication de l'arrêté de mi-janvier, confirmant cette exclusion du don du sang. «Le centre qui a refusé ce don n'a fait qu'appliquer la loi» s'est-on borné à nous répondre. Pour Luc Abratkiewicz. l'avocat d'Alexandre, au-delà de l'appréciation du principe de précaution, «la discrimination est constituée par le refus. Reste à savoir s'il y a un motif légitime?» D'autant que la législation française interdit toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, ainsi que la législation européenne et la Charte des droits de l'homme. Selon cet avocat, l'arrêté ministériel contrevient à «la directive européenne de 2004 préconisant les critères médicaux d'exclusion du don du sang. Elle évoque le comportement sexuel mais jamais l'orientation sexuelle des donneurs. Ainsi, elle ne fait pas de distinction entre homosexuels et hétérosexuels, contrairement à la France» surenchérit-il. La bataille est donc désormais juridique. Le procureur de la République d'Alès a désormais trois possibilités: soit il classe sans suite cette plainte, soit il la fait prospérer sur le plan pénal, soit il ne donne aucune réponse dans un délai de trois mois, auquel cas Alexandre devra saisir différemment la justice. Mais lui et son conseil affirment haut et fort ne pas vouloir «lâcher cette affaire et aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme s'il le faut». Autant dire qu'aujourd'hui se joue le premier chapitre d'une affaire qui devrait en comporter bien d'autres. |
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