27/05/2009 Pour les élections européennes, l'Ilga-Europe (International lesbian and gay association) tente de mobiliser les électeurs à travers une campagne d'information ayant pour mot d'ordre: «Soyez concernés. Votez pour un Parlement européen favorable aux droits humains». L'occasion d'interroger Pierre Serne, membre du bureau exécutif de l'Ilga-Europe, sur l'action de cette association, et sur les enjeux LGBT au sein des institutions européennes. TÊTU: En quoi consiste le travail de l'Ilga-Europe? Pierre Serne: L'Ilga-Europe est la région européenne de l'Ilga. C'est une fédération d'environ 200 organisations LGBT à travers toute l'Europe (45 pays) dont l'objectif est de lutter pour l'égalité des droits pour les personnes LGBT, notamment via l'interpellation des institutions nationales et européennes, en aidant et renforçant les capacités de ses organisations, en apportant de l'expertise et en mettant en réseaux tous les soutiens à la cause de l'égalité des droits. Elle est basée à Bruxelles, emploie une dizaine de salariés et est dirigée par un bureau de 10 membres élus par l'Assemblée générale des associations membres. Pour revenir au dossier sur le «lobby LGBT» à Bruxelles, dans le dernier numéro de Têtu News, estimez vous faire du lobbying auprès des institutions européennes? On peut dire ça. Le lobbying n'est pas mauvais en soi s'il est transparent et va dans le sens de l'intérêt général. C'est exactement ce que fait l'Ilga-Europe en faveur des personnes LGBT auprès des diverses institutions européennes: la Commission et le Parlement européen, le Conseil de l'Europe, l'OSCE ou encore les gouvernements nationaux. À Bruxelles, quel est l'état des forces en présence dans le combat entre le camp progressiste et les réactionnaires? La pression de l'Eglise catholique est-elle plus forte aujourd'hui? Il est clair que le Vatican et les forces les plus conservatrices ne désarment pas. Des partis ouvertement homophobes siègent au Parlement européen et chaque débat, chaque tentative d'avancée législative, est l'occasion de bras de fer aussi homériques que peu relayés par les médias. Si, généralement, on a pu trouver des majorités au Parlement européen favorables à l'égalité des droits pour les personnes LGBT, rien n'est jamais acquis. Quant aux gouvernements, qui gardent hélas sur bien des sujets un droit de veto, certains sont particulièrement rétrogrades. Ces dernières années quels dossiers avez-vous réussi à faire progresser au sein des institutions européennes? Nous travaillons sur des dizaines de dossiers mais pour aller à l'essentiel, l'Ilga-Europe a été particulièrement active sur la mise en application réelle de la directive sur la non-discrimination au travail, sur les aspects liés aux droits des personnes LGBT dans les directives sur la liberté de mouvement ou sur le droit d'asile. Enfin l'Ilga-Europe joue un rôle clé depuis des mois dans le processus de coécriture et d'adoption de la directive contre toutes les discriminations dans tous les domaines de compétence de l'Union. Et puis il faut ajouter qu'en 2004 c'est le lobbying de l'Ilga-Europe qui a empêché que l'homophobe et sexiste Buttiglione ne devienne commissaire européen. Finalement quelle est la réelle marge de manœuvre du Parlement? Quelles réformes seraient souhaitables? Le Parlement joue un rôle important, ses avis pèsent sur l'élaboration de la législation et son poids symbolique est indéniable. On peut regretter bien sûr que le veto des gouvernements prime dans bien des domaines de compétence européenne alors que l'adoption du traité constitutionnel -quel que soient ses défauts- aurait au moins permis la codécision dans des domaines cruciaux pour les droits LGBT. Mais force est de constater que les choses progressent et qu'elles le feront d'autant plus que les majorités, tant au Parlement que dans les gouvernements européens, seront plus progressistes. Finalement quelle est l'influence de l'Europe sur les législations et débats nationaux? Notamment concernant les pays de l'Est? Cette influence est forte et ce de plus en plus. Les «nouveaux» pays de l'Union ont dû modifier leur législation dans un sens protecteur des minorités, y compris des personnes LGBT, pour pouvoir adhérer (l'Ilga-Europe a d'ailleurs été mandatée par l'Union pour vérifier ces mises en conformité avec les règles de non-discrimination). Bien sûr, cela ne change pas la situation réelle ni les mentalités aussi vite, mais cela donne des leviers puissants aux associations locales pour résister et faire valoir les droits des personnes LGBT. Il n'y a qu'à voir la façon dont les pays les plus conservateurs sont malgré tout obligés de protéger les marches des fiertés pour ne pas être mis au ban de l'Union. Et puis les instances judiciaires européennes, comme la Cour européenne des droits de l'homme, auprès de laquelle l'Ilga-Europe fait régulièrement valoir ses expertises, ont sans doute plus fait progresser les droits LGBT que bien des législations, à l'Est comme à l'Ouest d'ailleurs. |
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