04/06/2009 Deuxième rendez-vous politique, avec le député européen Vincent Peillon, tête de liste pour le Parti Socialiste dans le Sud-Est. Poursuite de la lutte contre les discriminations, élargissement des droits LGBT dans l'Union, il évoque les prochains chantiers du Parlement Européen. TÊTU: Quelles sont les avancées concernant les droits LGBT que le PSE (Parti Socialiste Européen) a obtenues au Parlement Européen? Vincent Peillon: C’est un combat de long terme, car les mentalités évoluent lentement. On a notamment obtenu des dépôts de résolution condamnant l’homophobie, grâce notamment au travail de mon collègue britannique Michael Cashman (membre du parti travailliste, ndlr). Je pense à la résolution sur l’homophobie en 2006, et la résolution en 2007 condamnant les prises de position du gouvernement polonais. Mais ce qu’a fait de plus important le PSE, plutôt en pointe sur ce combat, c’est tout le travail sur la directive horizontale concernant la lutte contre toutes les discriminations. Car, dans un premier temps, l’orientation sexuelle n’avait pas été prise en compte par la Commission européenne dans le cadre de ce projet de directive. Nous avons alors fait pression pour que tous les types de discrimination soient pris en compte. L’enjeu est important car il s’agit de se doter de mécanismes anti-discrimination dans tous les espaces de la société, et pas uniquement sur le lieu de travail. Et finalement, le Parlement Européen a voté le 2 avril 2009 avec 363 voix contre 226 votes en faveur du rapport de la députée Kathalijne Buitenweg (Verts/ALE) relatif à une directive visant à lutter contre les discriminations fondées sur la religion, l'âge, le sexe, qu'elles soient directes ou indirectes et fondées sur des critères réels ou supposés. Cette directive qui doit être encore adoptée à l’unanimité en Conseil des Ministres courant juin a bien failli ne pas être votée au Parlement… Effectivement, nous avons été surpris par l’attitude très hostile de la droite. Les députés du PPE (Parti Populaire Européen) étaient pour le rejet de ce rapport, y compris les Français, qui se sont dans un second temps abstenus. Et ces derniers se sont opposés à tous les projets d’amendements, celui qui instituait l’inversement de la charge de la preuve (c’est-à-dire que la personne discriminée n’a pas à fournir la preuve, mais c’est à l’accusé de prouver l’absence de discrimination), celui concernant la situation dans les petites entreprises, celui qui permettait aux associations de se porter en justice, ou enfin, l’amendement qui proposait de transformer la directive retour, afin d’empêcher l’expulsion de personnes sans papiers dans leur pays d’origine si elles sont malades. C’est d’ailleurs là qu’on s’aperçoit que l’UMP et la majorité présidentielle ne souhaitent pas une harmonisation européenne par le haut. Sur le droit des personnes, la fiscalité, les politiques sociales, la droite ne souhaite pas voir émerger un droit européen. Ils ont renoncé au projet des fondateurs de la construction européenne. Le manifeste du PSE intègre de fait la reconnaissance du mariage et de l’homoparentalité à travers le principe de reconnaissance mutuelle, mais les lois sur le mariage et les contrats du type union civile relèvent de la compétence nationale. Quelle stratégie adopter ? Déjà, comme vous l’avez souligné, le combat sur la directive horizontale n’est pas terminé. Comme nous l’évoquons dans le manifeste, avec la proposition 26, nous suivrons de très près les suites de ce dossier déterminant. Ensuite, le fait qu’un certain nombre de pays n’accordent pas les mêmes droits est un problème majeur, notamment rapporté au principe de libre circulation. Car des citoyens européens qui bénéficient de certains droits LGBT dans leur pays d’origine peuvent les perdre s’ils s’installent dans des pays qui n’ont pas encore avancé sur ces questions. À travers la proposition 27 de notre manifeste, nous souhaitons ainsi la reconnaissance réciproque des droits acquis dans les autres États. Il est nécessaire que les situations, dramatiques, de déchéance de nationalité, comme on a pu le voir avec l’affaire Minvielle ne puissent plus être possibles. Comme je vous le soulignais, au Parti Socialiste, nous partons de l’idée centrale d’une Europe intégrée. Or depuis le référendum de 2005, une blessure terrible, je constate un vrai abandon du thème de l’intégration politique. Il faut que la gauche et les progressistes reprennent la force d’une Europe intégrée, avec l’établissement d’une Commission directement politisée. Actuellement, nous sommes bloqués sur les avancées sociales du fait de cette faiblesse politique. Et pour retrouver l’adhésion des citoyens européens, nous devons nous doter des instruments politiques adéquats. Justement, l’Union Européenne est-elle encore efficace ? Il ne faut pas être trop négatif. L’Europe a permis, même à la France, d’avancer. L’Europe est à la pointe des changements de mentalité. À travers la transposition des directives dans les droits nationaux, mais également les rappels à l’ordre. Même si l’Union européenne est une mécanique compliquée, elle reste efficace concernant la lutte contre les discriminations. Mais, bien sûr, il est nécessaire de renforcer les pouvoirs du Parlement, établir au Conseil les votes à la majorité qualifiée, car actuellement avec la règle de l’unanimité, un seul État réactionnaire bloque tout le monde. Les modifications institutionnelles prévues dans le traité de Lisbonne seraient un progrès. Quand peut-on attendre du PS qu’il se remette en ordre de bataille ? Franchement, je ne sais pas quelle est notre capacité à le faire, et dans quel délai. Mais c’est une certitude historique que ça se fera. Les formations progressistes ont toujours traversé des crises. Mais c’est par elles que toutes les avancées sociales ont été obtenues. Concernant l’Europe, cela passera en reformatant un rêve européen beaucoup plus net. C’est d’autant plus urgent que nous assistons, notamment du fait de l’UMP, à l’offensive d’une “autre Europe” à minima. Et s’il y a des désaccords entre les différents partis membres du PSE sur les questions économiques et sociales, nous partageons tout de même des valeurs communes. Mais pour nous remettre en marche, nous avons besoin des énergies de tous. Car c’est d’abord là que les choses bougent. Et il est crucial de se mobiliser au moment où notre société affronte une crise économique d’une ampleur exceptionnelle, terreau de tous les conservatismes et réflexes réactionnaires. |
Webmaster / Éditeur : Monclubgay.com © | Réalisation : Nichetoo.net | ||
Conditions d'utilisation |
|