08/06/2009 Dernière interview politique à la veille du scrutin européen, avec le porte-parole du PCF-Front de Gauche. Au programme: reconnaissance des mariages et des unions, lutte contre l'homophobie à l'école, prise en compte de la transphobie... TÊTU: Qu'attendez-vous de l'Union Européenne, concernant les droits LGBT ? Patrice Bessac: Au sein de l'Union Européenne, la lutte contre les discriminations est l'un des rares sujets où il y a eu des tentatives d'harmonisation par le haut. On aimerait d'ailleurs que cela soit la même chose pour le droit des travailleurs. En tout cas, l'utilité des parlementaires européens, à partir notamment d'alliances entre différents groupes politiques, et leur travail avec les associations, n'est plus à prouver. Car ils ont fait avancer ces sujets. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Justement, quelles sont vos propositions concrètes ? D'abord, c'est la question des couples et de la reconnaissance mutuelle des statuts. L'idée est simple : que lorsque un mariage (ou une union) est contracté dans un pays, il puisse être reconnu par tous les pays de l'UE. Ça serait un moyen concret d'harmoniser par le haut. Je constate que pour les «choses sérieuses» comme le pognon ou la concurrence, c'est l'UE qui décide habituellement de tout. Or, aujourd'hui, il est nécessaire de passer à la construction politique et sociale de l'Union. L'UE doit devenir un espace de progression des droits sociaux, alors qu'actuellement elle ne sécurise que les profits. Quid des salaires ? De la santé ? Des droits LGBT ? Au Front de gauche, nous soutenons une conception européenne qui puisse faire grandir les droits sociaux et les libertés individuelles. Dans ce contexte, à l'échelle européenne, la lutte contre les discriminations doit encore être renforcée. Notamment à travers le volet de la pénalisation : il est nécessaire de prendre en compte la spécificité de certaines violences et discriminations. Aujourd'hui, il existe encore de nombreux blocages dans le monde du travail. C'est pourquoi, si les affirmations de principe sont toujours utiles dans ce domaine, nous avons également besoin de moyens conséquents, et de directives plus contraignantes, notamment une qui pourrait consacrer la possibilité pour les associations de se constituer en partie civile. Par ailleurs, il faut s'attaquer aux causes : comme les rapports sociaux sont marqués par le sexisme et le machisme, il est nécessaire de mettre en place dans le primaire, au collège, des espaces de parole, de citoyenneté, sur les questions de sexualité. Nous pourrions nous inspirer des pays les plus avancés dans ce domaine, comme la Finlande. Dans ce cadre, nous souhaitons favoriser des projets éducatifs innovants, et diffuser les expériences déjà réussies à l'échelle européenne. Enfin, troisième dossier prioritaire, la question de la transsexualité. Car quand on parle de discriminations LGBT, le T n'est pas pour faire la déco. En effet, la transphobie est une violence sociale insoupçonnable, au sein des familles, exercée par l'Etat : notamment à travers les difficultés pour changer de nom, de sexe, la question des frais médicaux pour l'opération de réassignation sexuelle etc. Sur tous ces sujets, la France est lanterne rouge. Les équipes médicales ne sont pas formées, et un monstre administratif broie les individus. La Ministre Bachelot a fait un pas positif, mais il est nécessaire de rembourser à 100% les frais médicaux, comme les hormonothérapies. Concernant toutes ces propositions, le Parlement Européen a-t-il une marge de manœuvre ? Dans le camp de la gauche, il y a un accord assez grand sur tous ces sujets. On sait notamment vers quoi il faut aller. Nous sommes sur des positions assez équivalentes. Après c'est une question de courage politique. S'il est positif que l'Union Européenne permette davantage de débats sur les questions LGBT, il existe toujours un très gros flou concernant les politiques sociales et économiques en Europe. Et demain, si la gauche est majoritaire au Parlement, le Front de gauche soutiendra une rupture avec les politiques libérales. Le traité de Lisbonne consacre un espace dominé par l'idéologie néolibérale, contraire à notre souhait d'une harmonisation sociale par le haut. Globalement, nous devons nous battre pour que l'Europe devienne un espace de droits et de politiques publiques. L'Europe ne doit pas être seulement un projet institutionnel, mais également un modèle social. Bref, construire l'Europe des peuples. Mais êtes-vous confiant dans la capacité de l'UE à influencer les politiques nationales des pays membres les moins avancés concernant les droits LGBT ? La spécificité des institutions européennes réside dans le fait qu'elles s'appuient sur les sociétés civiles. Mais, justement, le Parlement doit exercer une pression institutionnelle, jouer du bâton, sur les gouvernements qui ne respectent pas leur société civile, et notamment les associations, car il ne faut pas oublier que c'est d'elles que sont venues les avancés sur les droits LGBT en France. |
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