01/10/2009 INTERVIEW. Dans «Homo-ghetto», Franck Chaumont a recueilli les témoignages d'homos vivant en banlieue. Loin de la visibilité des centres-villes ou du fantasme de la «racaille», ces récits montrent que tout reste à faire dans ces quartiers. Franck Chaumont, journaliste et ancien militant pour Ni Putes Ni Soumises, est l'auteur d'Homo-ghetto, un livre qui s'attaque à un sujet tabou: l'homosexualité dans les cités. Pendant près de deux ans et demi, Franck Chaumont a mené des interviews de lesbiennes et de gays issus de ces quartiers de banlieue. Objectif: cerner la façon spécifique dont ils vivent leur homosexualité, dans cet environnement machiste et généralement très homophobe. Avec les témoignages, entre autres, de Béchir, Dialo, Majid ou encore de Nadia, le journaliste illustre cette double contrainte permanente: s'intégrer dans la société en tant que minorité sociale et/ou raciale, et parvenir en même temps à «vivre» leur homosexualité au sein même de leur quartier. Un regard sur des gays et des lesbiennes sur lesquels on projette des fantasmes bien éloignés de leur réalité. Interview de l'auteur. TÊTU: Pourquoi avoir écrit ce livre? Franck Chaumont: Depuis plus de dix ans, la «communauté homo» dans son ensemble a acquis ou est en passe d'acquérir de plus en plus de droits et de visibilité. Prescriptrice de tendances, elle est globalement inscrite dans le paysage social des centres-villes des grandes agglomérations. La gay pride rassemble chaque année plusieurs centaines de milliers de personnes, gays et hétéros, ce qui veut dire que l'homosexualité n'est plus «un douloureux problème», pour reprendre la titre d'une émission de Ménie Grégoire sur RTL dans les années 1970. Même s'il y a encore de nombreux cas d'homophobie, mon enquête m'a conforté dans la certitude qu'il existe en France une homosexualité à deux vitesses: celle des centres-villes et celle des cités, et qu'il fallait d'urgence lever la chape de plomb qui pèse sur les lesbiennes et les gays qui vivent dans les cités ghettos. Comment expliquez-vous que certaines personnes aient d'abord accepté de vous parler puis se sont désistées ensuite? Par la peur, bien évidemment. Dans une cité, le seul soupçon d'homosexualité vous condamne. Les statistiques de SOS homophobie indiquent que les actes homophobes sont quatre fois supérieurs dans les cités par rapport au reste du territoire. Ces homos vivent donc dans une schizophrénie douloureuse et profonde. En acceptant dans un premier temps de témoigner dans Homo-Ghetto, ils ont tenté de briser ce carcan, de s'affranchir l'espace d'un témoignage, même anonyme, de cette double vie à laquelle ils sont condamnés dans la cité. Et puis au final, la peur d'être démasqué l'a emporté sur ces tentatives courageuses d'émancipation et d'affirmation. Y a-t-il un témoignage qui vous a marqué plus particulièrement? Il est difficile de n'en retenir qu'un, car les témoins d'Homo-Ghetto m'ont touché par leur personnalité souvent complexe mais attachante. Ainsi, Majid est tellement dans le déni et le refus qu'il en devient macho et homophobe. Jean, lui, a su faire comprendre à ses agresseurs que l'homophobie et le racisme sont des maux de même extraction. Un jeune couple de Roubaix persiste à faire croire à leur entourage qu'ils sont demi-frères. Farida, elle, se bat au quotidien contre l'exclusion sociale et pour l'égalité. Chérif voudrait bien croire au mariage homo et à l'adoption alors que, selon ses propres termes, le seul souci des gays des cités est «de ne pas se faire fracasser». Tous m'ont profondément marqué et forcent le respect. Homo-ghetto, gays et lesbiennes dans les cités: les clandestins de la République, de Franck Chaumont éditions Le Cherche Midi, sortie le 1er octobre. |
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