26/05/2006 Chaque jour à Moscou donne son nouveau coup de théâtre. La lecture donnée hier, jeudi 25 mai, par Merlin Holland (photo), petit-fils d'Oscar Wilde, devant une cinquantaine de militants au centre culturel français de Moscou, a été interrompue par 10 personnes qui ont lancé des gaz lacrymogènes et quelques œufs. L'intimidation n'a pas eu l'air d'inquiéter plus que cela les militants qui ont alors simplement changé de salle pour continuer leur discussion, encouragée par la directrice du centre. Il faut dire que la police chargée de la sécurité du building avait laissé entrer les contrevenants, peut-être en échange de quelques roubles… «C'est vraiment pathétique que mon pays ne soit pas capable d'assurer la sécurité d'une simple lecture, alors que nous faisons venir sur le territoire des personnalités aussi prestigieuses», déplorait alors Nikolai Alekseev, l'un des organisateurs de la Moscow Pride. Le climat semblait pourtant tourner en faveur des militants LGBT. Contre toute attente, la décision prise par la mairie de Moscou d'interdire la gay pride, a été réexaminée aujourd'hui, vendredi 26 mai, à 10h30, par le tribunal de Moscou. «Je n'ai jamais vu cela, c'est bien la première fois qu'une telle procédure d'urgence est utilisée. On se retrouve exactement dans la même situation qu'à Riga l'année dernière.» S'il ne s'explique pas ce nouveau rebondissement, Nikolai l'analyse pourtant de manière positive: «C'est très surprenant que l'appel soit étudié aussi rapidement. Cela va raviver l'intérêt des médias et nous faire une belle publicité à un jour de la gay pride.» Pourtant, l'espoir éveillé par ce réexamen aura été de courte durée: à 12h30 heure locale, la cour a confirmé l'interdiction du maire, Youri Loujkov. L'argument de l'impossibilité d'assurer la sécurité a de nouveau été avancé. La cour a estimé que faute de temps, il est impossible d'organiser l'encadrement des manifestants, rapporte Nikolai Alekseev. «Même un piquet de 100 personnes n'a pas été autorisé. Selon la cour, cela aurait nécessité la présence de 200 policiers. Il y a pourtant 4.000 policiers à Moscou!» Hier, Nikolai avait eu une rencontre informelle avec le chef de la police de Moscou (un équivalent de la Préfecture de police en France). Ce dernier lui aurait alors déclaré: «Si votre marche est légale, nous vous garantissons qu'aucun cheveu ne tombera de votre tête». «Cela montre bien que la raison réelle de l'interdiction n'est pas l'insécurité, souligne Nikolai Alekseev. La réalité c'est qu'on nous empêche d'utiliser notre droit constitutionnel de manifester.» Les participants à la conférence – une centaine de personnes – ont débuté un long débat sur l'opportunité ou non de braver l'interdiction et d'annoncer un autre lieu de rassemblement. Pour le moment, aucun consensus ne se dégage, et on sentait poindre une tension entre les militants russes et ceux venant de l'étranger. Clémentine Autain, adjointe au maire de Paris pour la jeunesse, apparentée PCF, est venue soutenir l'initiative au nom de la ville et avec le soutien du parti communiste. «Quelle que soit la décision prise, il faut faire très attention qu'elle ne soit pas prise par la population russe comme un diktat des militants occidentaux. Je suivrai donc les décisions prises par les associations russes et s'il faut aller marcher, j'irai.» «Souvenez-vous. Le monde regarde Moscou et la façon dont les autorités vont réagir», a rappelé Scott Long, directeur de l'association américaine Human Rights Watch. Peter Tatchell, d'Outrage!, a quant à lui précisé que «la ville de Moscou agit dans la défiance de la constitution russe et de la Cour européenne. La décision démontre que la Russie n'est pas démocratique. Il semblerait qu'il n'y ait pas de place pour une manifestation pacifique ici.» Les dernières déclarations du nouveau commissaire du Conseil de l'Europe pour les droits de l'homme, Thomas Hammarberg, aideront peut-être à trouver une solution. Mercredi 24 mai, ce dernier avait critiqué l'attitude de la Russie envers la Tchétchénie mais également en ce qui concerne les minorités sexuelles. Thomas Hammarberg s'interroge en effet sur les motifs qui ont conduit le maire de Moscou Youri Loujkov à entraver la gay pride: «Si la manifestation est interdite par crainte qu'on ne puisse pas garantir la sécurité aux participants, il y a deux questions qui se posent: primo, les autorités, ont-elles offert aux organisateurs d'autres possibilités pour leur garantir le droit d'exprimer librement leur opinion? Secundo, les autorités font-elles ce qu'il faut pour empêcher les préjugés à l'égard des personnes avec une orientation sexuelle non-traditionnelle, car l'homophobie est une des formes de xénophobie, et on ne peut pas l'accepter?» La Russie, qui préside actuellement le Conseil de l'Europe, avait déjà été critiquée sur cette même question par le prédécesseur de Thomas Hammaberg. Mais si ces avertissements sont suivis de la même manière que ceux concernant la Tchétchénie – qui sont totalement ignorés –, le sort des gays et des lesbiennes russes ne risque pas de s'améliorer. Photos Fabrice Dimier Lire aussi la chronique de nos envoyés spéciaux. http://www.tetu.com/rubrique/infos/infos_dossier_detail.php?id_dossier=127%20 |
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