19/07/2010 Le 15 juin, trois hommes étaient condamnés à des peines de prison pour avoir fait vivre une nuit de cauchemar à Sébastien. Ce styliste installé à Londres a contacté TÊTU pour évoquer l'affaire: sa frustration face au jugement, la difficulté de se reconstruire, et ses appels à la vigilance. Quatre ans de prison, dont trois ferme pour deux d'entre eux. Deux ans, dont dix-huit mois ferme pour le troisième. Le 15 juin dernier, le tribunal correctionnel de Meaux condamnait trois hommes à des peines de prison pour avoir fait vivre une nuit de cauchemar à Sébastien, un jeune gay rencontré en boîte. Ce styliste français qui habitait déjà et encore aujourd'hui à Londres n'a pas voulu assister à l'audience, ni revoir ceux qui l'ont frappés et humilié ce soir de décembre 2008. Il a cependant voulu pour évoquer l'affaire: sa frustration face au jugement, la difficulté de se reconstruire, et ses appels à la vigilance. Vous avez souhaité réagir au verdict prononcé contre vos agresseurs, que nous avions annoncé le 15 juin dernier. Pourquoi? Je suis un peu déçu par le jugement. Je trouve que le caractère homophobe de l'agression n'a pas été assez pris en compte, alors que la base de toute cette violence était l'homophobie. Ils ont été punis pour ce qu'ils ont fait, mais pas pour les motifs pour lesquels ils l'ont fait. Tout le monde était très choqué au début de l'affaire, il y a deux ans. Mais j'ai l'impression que le temps a estompé cela. Le caractère homophobe de l'agression a quand même été reconnu comme circonstance aggravante lors du procès... Oui. Même si les agresseurs ont essayé de minimiser cet aspect, tout dans le dossier montrait qu'il s'agissait bien d'homophobie et le parquet n'a pas remis cela en cause. Donc les faits sont là, les choses ont été dites, mais je ne sais pas si les gens réalisent vraiment ce que ça signifie, ce qui a été fait. Or sur le moment, cette nuit-là, je pensais que j'allais mourir, ce que j'ai subi était horrible. Et j'ai l'impression que l'affaire a été jugée comme de la petite délinquance, j'ai l'impression qu'il manque quelque chose. Vous n'étiez pas présent à l'audience, est-ce que vous pensez que cela a joué? Oui certainement. Mais je n'avais pas envie de ça, je n'avais pas envie de rentrer en France, de me retrouver au tribunal dans une pièce avec ces personnes-là. Depuis deux ans, j'ai fait un travail sur moi-même, j'ai essayé d'avancer dans la vie donc je n'estimais pas que ma présence soit indispensable, d'autant que le dossier était solide, il n'y avait rien à éclaircir. Mais en effet, si j'avais été là, si j'avais pleuré en racontant mon histoire, les peines auraient sans doute été plus sévères. Et après coup, je ressens un peu de frustration. Aujourd'hui je le dis à ceux qui pourraient être victimes d'agressions homophobes: il faut porter plainte. Après l'agression, aviez-vous hésité à prévenir la police? Oui, au départ, je ne voulais pas porter plainte. J'avais honte, je pensais que c'était ma faute, que j'avais eu ce que je méritais. C'est mon père qui a insisté, et aujourd'hui je ne regrette pas de l'avoir fait. Le contact avec la police s'est très bien passé. Je me suis trouvé face à des policiers d'aspect très viril, très macho, mais je n'ai pas été jugé, il n'y a eu aucun sous entendu. J'ai eu beaucoup de chance. Et aujourd'hui je le dis à ceux qui pourraient être victimes d'agressions homophobes: il faut porter plainte, il faut qu'il y ait des jugements comme celui de mon affaire, sinon rien ne changera. Quelles ont été les conséquences directes de cette attaque sur votre quotidien? Cette agression a changé ma vie, ça a tout changé. Pendant longtemps j'étais très irritable, renfermé sur moi-même, je m'énervais très vite. Quand j'ai repris le travail, j'étais moins concentré, moins créatif. Lorsque la crise économique a éclaté, j'ai fait partie d'un plan de licenciement. Il n'y avait peut-être pas de rapport, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir une nouvelle conséquence de l'agression. Puis j'ai été au chômage, sans pouvoir retrouver du travail. J'avais l'impression que tout s'écroulait autour de moi, et que tout découlait de cette nuit-là. Aujourd'hui, ça va mieux, je suis styliste indépendant, mais j'ai toujours du mal à faire confiance aux autres, dans ma vie personnelle et professionnelle. Une telle agression laisse-t-elle des séquelles psychologiques? Ils m'avaient conduit dans une sorte de champ. C'était en décembre, tout était très calme, silencieux. Il faisait froid et humide. Aujourd'hui, dès que je retrouve cette atmosphère, comme parfois chez mes parents, je repense immédiatement à l'agression. De même, les situations de violences m'effraient désormais, et j'essaie de ne pas être trop à découvert, je me mêle dans la foule quand je redoute d'être trop voyant. En tout cas quand je suis à Paris. Car ici à Londres je ne ressens pas la même peur, pas la même intolérance. Je peux vraiment exprimer ma personnalité. Et c'est devenu une priorité pour moi. Je ne veux plus faire de concessions sur ce que je suis, je veux être moi-même. Est-ce une réaction au fait que vos agresseurs vous ont contraint à vous excuser d'être gay? Est-ce que cette brimade vous a particulièrement affecté? Ça a été très douloureux. Dans mon sac, ils ont trouvé un album de photos de famille, avec mon père, ma mère, ma soeur, ma nièce. Ils ont pris les photos une à une, en me les mettant sous les yeux, en me disant: «t' as pas honte? T'as pas honte d'être gay? Regarde ta mère!» Avec des coups qui pleuvaient ensuite dans mon dos... D'où votre envie de vous affirmer d'autant plus aujourd'hui? Auparavant, il m'arrivait de faire attention à ce que je portais, quand je prenais le train de chez mes parents à Paris, par exemple. Mais aujourd'hui je n'accepte plus cela, je ne veux pas me dire: «il faut que je renonce à être moi-même parce que je vais à tel endroit». A 32 ans, je ne veux plus en être là, je ne veux pas baisser la tête. En nous contactant, vous souhaitiez aussi faire passer un message de prudence... Oui je voulais juste rappeler aux gays qu'il faut faire attention. Qu'il s'agisse de rencontres sur internet, ou dans la rue, ou même dans des boîtes homo, on peut rentrer très vite avec quelqu'un qu'on ne connaît pas, l'emmener chez soi. Et il faut être prudent. Moi je m'en suis sorti, mais on ne sait jamais ce qui peut arriver... |
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