03/09/2010 ASSOCIATIONS. Lancés en 2008, Les Petits Bonheurs soutiennent les séropositifs et les malades du sida en proie à l'isolement. Grégory Bec, coordinateur de l'association et psychologue, dévoile le programme d'accès aux «petits bonheurs pour tous». Créée en avril 2008, l'association Les Petits Bonheurs s'est donné pour mission de soutenir, accompagner et stimuler des personnes séropositives ou malades du sida, isolées socialement, avec une attention particulière envers les plus âgées. L'objectif est d'améliorer l'ordinaire et de restaurer le droit à l'extraordinaire. Présidée par Michel Fontes, l'association dispose de deux vice-présidents : Gérard Berlureau et Marie-José Auge-Caumon. Son action est encouragée par un comité de parrainage qui regroupe des médecins et des militants associatifs. Grégory Bec, coordinateur de l'association et psychologue nous en dit plus sur son fonctionnement. Quel est votre modèle ? Grégory Bec: Si nous devions en avoir un, ce serait celui de l'association Les Petits Princes, qui réalisent les rêves d'enfants malades. Nous, nous voulons redonner des rêves à des adultes malades depuis longtemps. Aucune association de lutte contre le sida, aucune association généraliste ne proposait cela. Pourquoi les bonheurs devraient-ils être petits ? Avez-vous réfléchi au nom de l'association ? Je me souviens d'un test que nous avions fait alors, en 2007, au moment où nous réfléchissions au projet associatif. Nous avions demandé à cinquante personnes ce qui leur ferait le plus plaisir, et ils n'avaient pas pu répondre tant c'était abstrait pour eux. Eux projetés dans le plaisir, c'était du passé. Le projet associatif a évolué parce que les gens exprimaient des envies potentielles à propos de choses extrêmement simples : aller boire un café dans un bar, aller au restaurant, avoir une chaîne hi-fi qui fonctionne... Nous cherchons à restituer la possibilité de faire naître des envies, nous souhaitons réveiller des émotions. Quel type de soutien proposez-vous exactement, est-ce une conversation, une écoute ou même une thérapie ? Nous nous situons avant tout dans une réponse humaine, notre équipe n'est pas composée par des professionnels mais par des bénévoles. Nous essayons de construire du sur-mesure. Le lien est établi par l'équipe médicale hospitalière, par un médecin qui a expliqué le rôle de l'association à la personne et qui nous met en contact téléphonique, lors de la consultation. Il existe aussi des gens hospitalisés avec qui un rendez-vous est organisé. Dit comme ça, c'est protocolaire, mais ça se fait très simplement. Il y a donc une rencontre avec des gens qui ont accepté qu'on vienne à leur rencontre. La plupart ne se rendraient pas dans une structure collective. On leur demande ce qu'ils aimeraient changer dans leur quotidien. C'est parfois très simple, comme pouvoir écouter de la musique... Depuis quelques années, on lit partout que les séropositifs vont bien. Aurait-on oublié ceux qui ne vont pas si bien ? Chaque parcours est singulier, mais il y a chez ceux que nous accompagnons, des facteurs communs : ils ont été contaminés au début des années 1980 et ont vécu cette période avec toute la douleur, mais aussi la solidarité de l'époque, qui était énorme. Souvent, ils ont interrompu des relations par peur du jugement des autres, craignant de se sentir rejetés. Inversement, certains gays contaminés se sont rapprochés de leurs amis séropos. Ces années très dures ont été marquées par une entraide, ce sont des années de combats partagés. Et l'arrivée des traitements a tout changé… Oui, certains ont intégré qu'ils allaient vivre. D'autres, déjà très malades sont passés du « ne plus mourir » à « vivre avec », avec un entre-deux très long. Quinze ans après, certains n'en sont pas sortis. D'autres encore ont vu des gens aller très bien, alors qu'eux allaient juste un peu moins mal. Certains n'envisageaient pas de retrouver un emploi, ils avaient donc devant eux la solitude, projetée ou réelle, et le vieillissement. Pour eux, c'était une vie « quand même », prolongée automatiquement, et le temps en plus, si précieux, est devenu pour certains du temps en trop. Parfois, quelqu'un nous confie qu'il aurait préféré mourir plutôt que vivre comme ça... Comment le processus de désocialisation se met-il en place pour les personnes que l'association soutient ? Il y a une érosion des liens au fil du temps, comme s'il y avait une usure. Les gens avaient des liens éloignés avec leur famille, pour des questions de choix de vie. Ils sont multi-endeuillés, certains ont perdu des dizaines d'amis et sont, par exemple, les seuls survivants d'un groupe de quarante personnes. Ils ont souvent perdu leur amour, leur femme ou leur compagnon et, quand ils sont âgés, leurs parents sont morts. Ils ne s'étaient pas préparés à enterrer leurs parents. Parfois, les gens sont restés dans le secret vis-à-vis du voisinage. Alors que les réseaux de solidarité existent et que, bien souvent, il suffit de les réactiver. «On redynamise le quotidien, on réinsuffle des possibles, on montre que les envies sont réalisables. Nous sommes un trait d'union, parce que je crois sincèrement que la solidarité n'a pas disparu: elle est à réactiver.» Existe-t-il une solitude propre aux séropositifs homos ? Elle est particulière, et encore plus exacerbée chez les homos âgés. Nous accompagnons plusieurs octogénaires. Tous leurs amis sont morts, ils ont la nostalgie d'un milieu gay qu'ils trouvent disparu, ou qui est aujourd'hui aux antipodes de ce qu'ils ont connu en termes de solidarité. Leurs repères ne sont plus les mêmes, les restos où ils allaient n'existent plus. Ils ont parfois essayé d'aller dans de nouveaux endroits, mais ils n'ont plus confiance en eux, ils ont le sentiment qu'il n'y a plus de place pour eux. Ils sont fragilisés, certains ont perdu la vue ou ont des problèmes de mobilité. Avec eux aussi, nous constatons que notre démarche fonctionne. Ils ont simplement besoin d'accompagnement et d'encouragements. L'idée qui soutend votre action, c'est que ces bénéficiaires isolés trouvent de nouveaux repères, de nouveaux liens ? Je vais vous donner un exemple : un monsieur de 69 ans ne se soignait plus et vivait reclus chez lui, les volets clos. Le médecin qui le suit depuis vingt-quatre ans nous en a parlé et l'a appelé. Je suis allé le voir. Il m'a reçu et nous avons eu une longue conversation, ce qui est fondamental pour qu'un lien de confiance puisse s'établir. Il évoquait un présent terrible, disait que la vraie vie, c'était avant... Dans ses anecdotes, son avant, il y avait le Sud et la pétanque... Son « petit bonheur » à lui était identifié. Par le bouche-à-oreille, on a trouvé un endroit où il n'a d'abord pas voulu aller, par peur. Il s'est laissé convaincre, il a fait une partie, il a super bien joué et a été valorisé. Depuis, les joueurs de boules l'ont invité au réveillon, il s'est acheté des vêtements et a repris une vie sociale. Il a fallu aller jusqu'à lui, repérer ce qui pouvait se faire et concrétiser. Dans la plupart des cas, on redynamise le quotidien, on réinsuffle des possibles, on montre que les envies sont réalisables. Nous sommes un trait d'union, parce que je crois sincèrement que la solidarité n'a pas disparu, elle est à réactiver. «ASSOCIATION CHERCHE BÉNÉVOLES…» Une quinzaine de bénévoles apportent leur concours à l'association et ce n'est pas assez ! Plus de 70 personnes sont en attente d'un peu d'aide. Des volontaires? Les besoins sont de trois types : – offrir un peu de temps et de compétences, pas forcément en lien avec les personnes malades (bricoler, ranger, accomplir diverses démarches) ; – porter le projet associatif, par exemple, organiser une fête, trouver des partenaires financiers, participer à la gestion administrative, à la communication ; – accompagner, s'investir dans la relation d'aide, sur du soutien ponctuel. Dans ce cas, l'association propose une formation. |
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