03/11/2010 L'étude suédoise qui montre une augmentation des cancers de la cavité buccale en raison d'infections transmises lors de rapports bucco-génitaux a fait grand bruit. Mais un spécialiste français de la question relativise. La presse a fait ses choux gras de cette étude. Quitte à forcer un peu le trait. Les pratiques oraux-génitales prendraient le relais du tabac et de l'alcool comme cause de cancers de la cavité buccale, en diffusant le papillomavirus (HPV). Plus précisément, des cancers des amygdales et de la base de la langue. La thèse est développée par Torbjörn Ramqvist et Tina Dalianis dans leur récent article publié par les centres fédéraux américains de contrôle et de prévention des maladies. «Plusieurs recherches montrent un accroissement de la fréquence des cancers oropharyngés avec une proportion croissante de ces tumeurs résultant d'une infection de papillomavirus humains chez des sujets devenus sexuellement actifs très jeunes et ayant eu de multiples partenaires», écrivent-ils. «La possibilité que nous soyons confrontés à une épidémie de cancers de la voie buccale résultant d'infections avec des papillomavirus exige toute l'attention», juge même le Dr Torbjörn Ramqvist, professeur au Karolinska Institutet en Suède. Le tabac et l'alcool bien plus risqués Une «épidémie de cancers» liée à des pratiques telles que la fellation, il n'en faut pas plus pour inquiéter les amateurs. Pourtant, un des spécialistes français du sujet, le chirurgien ORL José Rodriguez de l'Institut Curie, est plus mesuré. «Il s'agit d'un effet d'annonce. Cela fait longtemps que le lien entre papillomavirus et les cancers de l'amygdale et de la base de la langue est étudié. Il n'y a pas d'augmentation significative du nombre de cas.» Environ 4000 nouveaux cancers des amygdales sont diagnostiqués chaque année en France et, selon le spécialiste, 90% des cas sont liés au tabagisme et à la consommation excessive d'alcool. Moralité, pour éviter un cancer de la cavité buccale, mieux vaut d'abord arrêter la cigarette. «Les études ont été faites sur de très petits nombres de patients et avec des recrutements biaisés» En tout cas, pour le chirurgien, on ne peut pas parler d'épidémie. «Depuis le début des années 90, toutes les études montrent un taux d'infection de 50% environ au HPV dans les cancers des amygdales, associés ou non à des problèmes d'alcoolo-tabagisme. Le problème, c'est que les études ont été faites sur de très petits nombres de patients et avec des recrutements biaisés. De plus, le lien biologique n'a pas été établi, même si l'hypothèse est posée.» Deux études plus larges viennent d'être lancées en France pour doser la présence réelle de HPV dans les cancers oropharyngés. Vaccin Reste que les virus HPV ont déjà été associés avec un risque de cancers du col de l'utérus. Dans ce cas, la causalité est bien démontrée au niveau des mécanismes biologiques. «Le risque de cancer du col de l'utérus est augmenté de 100 fois avec une infection au papillomavirus. Il pourrait être augmenté entre 1 et 30 fois dans le cas de cancers oropharyngés. On ne joue pas dans la même cour. De plus, le risque n'est pas la maladie. La grande majorité des personnes ayant une infection à papillomavirus ne développera pas de cancers de l'oropharynx, d'autant plus qu'ils n'auront pas d'autres facteurs de risques associés, alcool et tabac», relativise José Rodriguez. La question de la prévention se pose néanmoins. Pour l'instant, les vaccins contre HPV ne sont proposés qu'aux jeunes filles. «Les laboratoires pharmaceutiques vont peser de tout leur poids pour gagner une clientèle masculine», prédit le spécialiste. Pour le moment l'efficacité du vaccin n'a même pas été étudiée chez les hommes. Les mêmes papillomavirus que ceux mis en cause dans les cancers du col de l'utérus ont pu être reliés, beaucoup plus rarement, à des cancers du pénis. Le plus souvent, les hommes sont porteurs sains au niveau du sexe. «Il se pose des questions de réactions différentes du système immunitaire chez les hommes, et de plus l'analyse est plus complexe sans frottis et sécrétions au niveau génital», explique Vassili Soumélis, immunologiste à l'Institut Curie. La pertinence de vacciner toute une population avec des vaccins à 400 euros se pose aussi, pour 200 à 400 cas par an. Seule protection pour le moment, le préservatif. Bonne nouvelle en tout cas, les taux de guérison sont meilleurs pour les patients positifs HPV que pour le groupe alcool-tabac. |
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