01/02/2011 «Peu courageux» de la part des Sages, mais finalement «pas surprenante»: la décision du Conseil constitutionnel de maintenir l'interdiction du mariage homosexuel fait déjà réagir beaucoup de monde. Le point sur les premières analyses. Selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme». Telle est donc l'analyse finale du Conseil constitutionnel, saisi sur la question du mariage homosexuel. Les Sages n'ont pas tranché dans le débat sur le principe d'égalité devant la loi, remettant cette question aux politiques. LES REQUÉRANTES Une décision «scandaleuse» et «rétrograde», pour Corinne Cestino et Sophie Hasslauer (ci-dessus), les deux lesbiennes pacsées à l'origine de la procédure judiciaire. «C'est scandaleux. Depuis le plus jeune âge, on nous apprend la tolérance mais on se rend compte aujourd'hui que les plus hautes instances de l'Etat institutionnalisent l'homophobie», a déclaré Sophie, qui vit dans la Marne avec sa compagne, Corinne Cestino, et leurs quatre enfants. Pour le couple, la position du Conseil constitutionnel est «ultra minoritaire» dans la société française et émane d'une «élite très rétrograde, au discours dépassé». «On se demande dans quelle mesure il ne s'agit pas de pur calcul, pour préparer les élections, séduire des électorats, soit cathos, soit d'extrême droite (...). Bientôt, on nous mettra un triangle», a-t-elle ajouté en référence au triangle cousu sur la tenue des déportés homosexuels dans les camps de concentration. «On nous dit: “on ne vous empêche pas de vivre ensemble, il y a les pacs”, mais il suffit de discuter deux secondes avec un notaire pour savoir qu'on n'a pas les mêmes droits que les couples mariés en termes de fiscalité ou de succession. Aujourd'hui, pour être homo, il faut être riche», a encore dénoncé Sophie Hasslauer. L'avocat des deux jeunes femmes, Me Emmanuel Ludot, a exprimé l'espoir que la campagne présidentielle ferait avancer les choses. «Qu'est ce qu'on va nous proposer pour le prochain quinquennat, à droite comme à gauche?», a-t-il demandé, voulant croire que «ça va bouger avant 2012». ------------------------------------------------------------------------------- D'autres réactions n'ont pas traîné, à l'annonce de l'avis du Conseil Constitutionnel. La décision est globalement jugée «peu courageuse» (selon Jean-Luc Romero) bien que «pas surprenante» (selon le Collectif contre l'homophobie) par les premières personnalités et associations qui se sont exprimées. LES ASSOCIATIONS Hussein Bourgi, président du Collectif contre l'homophobie basé à Montpellier, a fait une lecture politique de cette décision, en rappelant que «sur 11 membres du Conseil constitutionnel», il y avait «quasiment dix membres de droite». Et sur une «question de cette nature-là, une question sociale et sociétale», c'est «la logique politique et la sensibilité partisane» qui l'ont emporté «sur la logique juridique». «Pas surprenant», donc. 2012 en ligne de mire De même, l'Association des Familles Homoparentales (ADFH) a invité «chaque candidat à l'élection présidentielle de 2012 à se positionner clairement sur le sujet». Homosexualités et Socialisme (HES) s'est rattachée au fait qu'«une loi ordinaire suffirait pour mettre un terme à l'exclusion» du mariage des homosexuels. «En 2012, chacun saura qui, parmi les candidats, s'engage à ouvrir le mariage aux couples de même sexe», a souligné cette association, qui n'oublie pas que le Parti socialiste devrait présenter un programme présidentiel favorable au mariage et à l'adoption. «La prochaine fois, le feu» Enfin, Act Up-Paris s'est faite plus véhémente: «La prochaine fois, (c'est) le feu» a-t-elle écrit. «La lâche position d'un Conseil de Sages Trouillards fait de la France la grande gueuse européenne de droits humains. (…) Il est grand temps qu'enfin ce sujet fasse l'objet d'un véritable débat de société à l'instar de celui mené en 1999 à propos du pacs: que les masques tombent. (…) Cette décision une fois de plus discriminatoire accroît encore notre fureur, face à cet acharnement homophobe, nous rendrons coup pour coup: “nos droits, nous irons les chercher avec les dents!”» a écrit Act Up-Paris. «Le mariage pour les gays et lesbiennes, ce mouvement global vers l'égalité des droits est inéluctable, a souligné SOS homophobie. Mais plus on attend, plus on laisse l'homophobie gangréner la société française. Et l'on continue de considérer les gays et les lesbiennes comme des citoyens de seconde zone.» «N'est ce pas le moment pour le législateur d’avancer sur ces questions d’égalité, sans position partisane ou idéologique?» interroge l'Autre cercle, qui «souhaite que le législateur ne reporte pas ce débat à l'échéance de la campagne présidentielle de 2012, mais qu'il admette enfin ce que les électeurs ont déjà majoritairement choisi.» «La société est prête, la balle est dans le camp du législateur: mais que fait la majorité politique actuelle?» s'interroge pour sa part l'Inter-LGBT. «La France accuse aujourd'hui un retard regrettable sur ses voisins européens qui sont de plus en plus nombreux à remédier à une inégalité de droits inacceptable dans une République telle que la nôtre (…). L'Inter-LGBT ne manquera pas de continuer à lutter quotidiennement pour l'égalité de tous les couples et entend que le législateur prenne dès à présent ses responsabilités en la matière.» Enfin, Emmanuel Blanc, porte-parole de GayLib, le parti associé à l'UMP, estime que «cette décision de la Cour constitutionnelle forcera l'UMP à choisir son camp. En 2007, les droits LGBT n'étaient pas un gros marqueur pour l'élection présidentielle. Pour 2012, il faudra être soit pour, soit contre le mariage homosexuel, et non plus pour pour une union civile» (comme Nicolas Sarkozy l'avait fait en 2007, NDLR), déclare-t-il à TÊTU. «L'union civile était un choix de realpolitik qui pouvait passer il y a quatre ans, mais elle est aujourd'hui dépassée. C'est pourquoi nous ne relancerons pas ce sujet, et nous demandons à l'UMP de se prononcer clairement en faveur du mariage des couples de même sexe.» LES REPRÉSENTANTS POLITIQUES En vrac, voici les principales autres réactions, la plupart issues de communiqués envoyés à la presse: - Le Parti socialiste demande à la majorité parlementaire «d'accepter enfin de faire évoluer notre législation», dans un communiqué des secrétaires nationaux Najat Vallaud Belkacem (société) et Jean-Patrick Gille (famille). «La droite est à nouveau renvoyée à ses responsabilités.» Pour le PS, la décision du Conseil «indique clairement que la Constitution n'empêche pas le législateur de modifier la composition du mariage». Le PS «s'engage à reconnaître et à protéger l'ensemble des familles et à permettre à tous les citoyens d'accéder aux mêmes droits et aux mêmes responsabilités dès son retour aux responsabilités nationales. Et ce soir, le patron des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, a annoncé que son groupe inscrirait «avant l'été» à l'Assemblée nationale sa proposition de loi reconnaissant le mariage homosexuel. - Jack Lang, député PS, ex-ministre, dans un communiqué: «Il appartient à la classe politique française de faire preuve enfin d'un véritable courage intellectuel». «Il est navrant de constater que sur les questions de l'homoparentalité et du mariage entre les personnes de même sexe, la loi française soit à ce point en retard par comparaison avec des pays comme l'Espagne, le Portugal, le Mexique et les pays du Nord de l'Europe». «Le législateur français a été l'un des derniers à reconnaître le droit de vote des femmes, ou le droit de vote des jeunes à 18 ans, ou à abolir la peine de mort. Serons-nous à nouveau les derniers à établir une égalité entre les orientations sexuelles?» - Le Parti de Gauche: «Le Conseil constitutionnel (est) toujours aussi frileux (et) fait perdurer la discrimination entre couples et maintient aussi une inégalité entre citoyens. En quoi cette discrimination entre couples hétérosexuels et homosexuels ressort-elle de l'intérêt général invoqué dans la décision?» Le Parti de Gauche «réaffirme la nécessité de l'égalité des droits entre couples et donc le droit au mariage pour les couples de même sexe». - Le Parti communiste français, dans un communiqué titré «Le Conseil constitutionnel à contre courant»: «Cette décision très regrettable entérine une inégalité devant la loi et ignore l'opinion favorable au mariage gay d'une majorité de Français puisque 58% se disent favorables au mariage homosexuel». «La France conserve ainsi son bonnet d'âne en ce qui concerne l'accès au droit de se marier pour les personnes de même sexe, alors même que de nombreux pays en Europe ont remédié depuis longtemps à cette inégalité de droits». «Le droit au mariage pour tous les couples, porté à l'Assemblée nationale par les députés communistes, devra être inscrit dans la loi par une majorité parlementaire de gauche.» - Le PRG «demande à Nicolas Sarkozy d'établir l'égalité des droits entre hétérosexuels et homosexuels». «Au-delà des aspects juridiques de la vie familiale, c'est à une reconnaissance de la société que les couples homosexuels ont le droit de prétendre. Oui les mots sont importants, car le jour où l'union d'un couple homosexuel portera l'appellation de mariage, un pas énorme contre toutes les formes d'homophobie et de discrimination sur l'orientation sexuelle aura été réalisé.» - Christine Boutin, présidente du Parti chrétien démocrate (PCD) salue «cette décision qui respecte notre tradition juridico-politique». «Ceux qui ont pu penser qu'ils obtiendraient satisfaction par la multiplication de petites procédures trouvent aujourd'hui une réponse: en France, le droit n'est pas l'objet de tel ou tel lobby». «Le droit au mariage pour les couples homosexuels ne serait que la première étape avant l'adoption. Et tout comme la définition du mariage, le débat sur l'extension du “droit à l'enfant” est trop important pour relever d'un “groupe de sages” ou d'une jurisprudence.» - La présidente du Front National, Marine Le Pen, a affirmé dans une interview sur la chaîne LCP qu'elle était «totalement contre le mariage homosexuel», ajoutant qu'elle pensait que «les homosexuels ne le réclament pas». Elle a également estimé que le pacs «est super, surtout pour les non homosexuels puisque 95% de ceux qui se pacsent ne sont pas homosexuels et 5% seulement le sont». Marine Le Pen s'est insurgée contre le fait que «c'est le Conseil constitutionnel qui décide, c'est pas le peuple français, c'est insensé». |
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