05/04/2011 INTERVIEW: Pour obtenir le droit d’asile en France, les homosexuels doivent «prouver» que leur homosexualité constitue ou peut constituer un motif de persécution. Mais comment? Le président de l’Ardhis fait le point sur cette question cruciale. «Demander l’asile en tant qu’homosexuel: la problématique de la "preuve"». C’est l’atelier que l'Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l'immigration et au séjour (Ardhis) animait hier à Paris, à l’occasion du 12e Printemps des assoces LGBT (2 et 3 avril). Car à chaque entretien devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), c’est le même dilemme: il faut convaincre. TÊTU: Quelles «preuves d'homosexualité» attend l’Ofpra? Thomas Fouquet-Lapar: L’Ofpra ne parle jamais de preuve mais, quand on étudie sa logique jusqu’au bout, ce qu’elle attend n’en est pas loin. En fait, il faut que les officiers de protection aient une conviction la plus absolue possible sur la réalité de la vie sexuelle du demandeur. Tout est basé sur leur conviction intime. Un jour, il aura une estimation «fine et juste», et un autre, l’Ofpra commettra des erreurs d’appréciation. Il arrive que l’on demande des preuves matérielles… Lorsque les demandeurs ont été militants LGBT dans leur pays, ou s’ils ont été arrêtés, il se peut qu’on leur demande des preuves. Mais certains demandeurs font valoir leur crainte du danger. Et la crainte est un motif d’asile. D’ailleurs, des gens persécutés par le passé qui n’ont plus de craintes actuelles se voient refuser le statut de réfugié. D’autre part, certains ont eu le statut de réfugié alors que leur homosexualité n’a pas été révélée. Un grand obstacle pour «prouver son homosexualité» est la barrière de la langue… Les demandeurs sont assistés par des interprètes de l’Ofpra mais, quelque fois, l’interprétariat est déficient. Il arrive aussi qu’il n’y ait pas d’interprète pour des ressortissants de pays d’Afrique francophone. Par exemple, l’interprète en peul ou en wolof n’est pas convoqué alors que le demandeur n’a pas un niveau de français suffisant, et ça pénalise son témoignage. Que proposez-vous pour éviter les «erreurs d’appréciation»? Nous demandons: «Comment avoir une intime conviction en une ou quelques heures d’entretien avec quelqu’un qu’on n’a jamais vu, et qu’on ne reverra jamais?» Ça nous semble un petit peu léger. On a donc proposé est qu’il y ait plusieurs entretiens, éventuellement avec plusieurs officiers. Il y aura des ressentis qui vont se recouper, ou peut-être pas. Mais si tous partagent un même avis, l’Ofpra peut prendre une décision en se disant que l’erreur d’appréciation est quasi exclue. L’Ofpra ne nous a pas formellement répondu à cette proposition, mais on peut se douter que tout est un problème de budget. Vous arrive-t-il d’avoir des doutes sur l’orientation sexuelle d’un demandeur? Bien sûr! C’est humain: face à quelqu’un, on peut tous avoir des doutes sur ce qu’il évoque parce qu’on a le sentiment que ce n’est pas sincère, que ça ne passe pas… Mais d’après mon expérience, on peut devenir moins dubitatif à force de mieux connaître la personne. De même qu'au contraire, les doutes peuvent s’accentuer… Justement. Aider ces personnes n’entache-t-il pas le sérieux que vous reconnaissent les autorités? C’est à l’Ofpra de faire le tri. Elle sait qu’on aide des gens pour lesquels on a beaucoup ou pas beaucoup de conviction, et elle ne nous en tient pas rigueur. Ce n’est pas ça qui va remettre en cause notre crédibilité. En revanche, ce serait différent si on soutenait de manière appuyée des gens dont le dossier est un peu bancal. Mais en général, on ne soutient que des gens pour qui on a collectivement une bonne conviction. |
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