18/04/2011 Selon deux épidémiologistes, l'interdiction de don du sang faite aux homos engendre un détournement de la mesure et révèle finalement son inefficacité. Ils envisagent d'autres pistes qui responsabiliseraient davantage les donneurs. Pas de chance pour Nora Berra. La lettre d'excuses censée clore la polémique qu'elle a déclenché (le 30 mars, elle déclarait au Sénat que l'homosexualité était un «facteur de risque pour le VIH») utilise un argument classique, celui des données épidémiologiques: les gays ayant en moyenne un risque 200 fois plus élevé de se contaminer que les hétéros, il est logique de les exclure du don de sang. Inefficace Mais en matière de sécurité transfusionnelle, les choses ne sont pas si simples, comme le souligne un article publié en ligne le 12 mars dans la revue Transfusion clinique et biologique. Deux épidémiologistes de l'Institut de veille sanitaire. Caroline Semaille et Josiane Pillonel y suggèrent que l'interdiction faite aux gays de donner leur sang est inefficace et pourrait même être contreproductive. C'est que presque la moitié des dons de sang trouvés positifs au VIH sont issus d'hommes contaminés par des rapports entre hommes, «alors qu'ils sont, en principe, exclus à vie». Des hommes qui ne veulent pas déclarer leur homosexualité parce qu'ils considèrent la question discriminante, ou parce qu'ils ne l'assument pas, ou ne se reconnaissent pas comme gays en dépit de relations homos, etc. La moitié, c'est précisément la proportion de gays parmi les nouvelles infections dans la population générale ! Exemples espagnols et italiens Cela «témoigne des limites de la mesure d'exclusion permanente» selon les épidémiologistes, qui avancent qu'«il est possible que l'interdiction permanente, vécue par certains HSH [hommes ayant des rapports avec les hommes, dans le jargon épidémio, NDLR] comme une discrimination, engendre un détournement de la mesure.» Inversement, poursuivent les épidémiologistes, «la levée de l'exclusion permanente pourrait être perçue comme une responsabilisation et favoriser une meilleure auto-exclusion des HSH à risque d'infection VIH.» En clair: si on autorise les gays à donner leur sang selon les mêmes critères que les autres, ils ne mentiront plus pour le donner, ce qui permettra un dialogue franc et efficace avec le médecin chargé d'évaluer les risques. Et de rappeler qu'en la matière, l'Espagne et l'Italie ont déjà décidé de mettre gays et hétéros sur un pied d'égalité. Sans notion d'orientation sexuelle, le seul critère d'exclusion qui y est retenu est d'avoir changé de partenaire : dans les six derniers mois en Espagne, dans les quatre derniers mois en Italie. Ce qui rejoint les recommandations françaises pour les hétéros, qui lorsqu'ils ont un nouveau partenaire sexuel, doivent «attendre un délai de 4 mois après le dernier rapport non protégé». «Décision politique» Alors qu'en Angleterre, on envisage que les gays qui sont restés chastes depuis 10 ans (!) puissent donner leur sang, selon Josiane Pillonel et Caroline Semaille, «la plupart des experts s'accordent aujourd'hui pour conclure qu'une alternative [...] pourrait consister à n'exclure que ceux ayant eu des relations sexuelles avec des hommes au cours des 12 derniers mois, comme l'ont fait déjà quelques pays», ce qui «permettrait de couvrir largement la fenêtre silencieuse» (12 jours pendant lesquels le virus, bien que présent en très faible quantité, n'est pas détectable). Les épidémiologistes ont modélisé l'accroissement du «risque résiduel» que cette mesure engendrerait. Selon les hypothèses, au mieux le risque actuel n'augmenterait pas (1 don contaminé sur 3 millions), au pire il serait multiplié par 3,6 (1 don contaminé sur 670 000). Reste que ce délai de douze mois permettrait de réintégrer les hommes ayant occasionnellement des rapports avec d'autres hommes, mais évidemment bien peu de personnes dont la sexualité est principalement homo. Alors, faut-il autoriser le don aux homosexuels, et sous quelles conditions? «Tout l'enjeu est dans l'acceptabilité des critères et l'adhésion qu'ils permettent», souligne Bruno Danic, responsable du prélèvement à la direction médicale de l'Etablissement français du sang. Et de conclure: «L'autorisation serait un pari, la décision est politique.». De quoi rouvrir un débat trop vite fermé? |
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