17/05/2011 Quelle est l'action réelle du gouvernement contre l'homophobie? A l'occasion du 17 mai, et pour la première année, le Comité IDAHO dresse avec TÊTU la liste des engagements de chaque ministère. Au-delà des paroles et des partis pris, comment mesurer la réalité de l'engagement du gouvernement français contre l'homophobie et la transphobie? Pour la première fois, le Comité IDAHO organisateur de la Journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie, qui a lieu demain, lance avec TÊTU le premier état des lieux objectif de l'action de chaque ministère, l'«IDAHOmètre». Résultat: un indicateur gradué de chaque ministère: en première place, une implication «très forte» dans la journée IDAHO en particulier, et dans la lutte contre l'homophobie et la transphobie en général. En 2ème place, une implication «forte». Trois ministères sont ex-aequo en troisième place (implication «moyenne»), six sont en 4ème place («faible»), et cinq en 5ème place (implication «très faible ou nulle»). Depuis 2005, le Comité IDAHO interpelle le ministère des affaires étrangères sur les questions LGBT (lesbiennes, gaies, bi et trans). Longtemps réticent sur ces problématiques, le Quai d'Orsay est depuis 2008 très engagé sur le sujet. Sollicitée par le Comité IDAHO, Rama Yade a porté à l'Assemblée générale des Nations Unies une déclaration historique pour la dépénalisation universelle de l'homosexualité. Des initiatives importantes ont aussi été menées au niveau du Conseil des droits de l'homme et de l'OMS. Par ailleurs, le MAE a relayé cette année la demande du Comité IDAHO concernant l’UNESCO: Mme Bokova, directrice générale de l’institution, devrait faire une déclaration demain, à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie. Enfin, proposé par le Comité IDAHO, un fonds de soutien a été mis en place, et le financement sera attribué à plusieurs projets internationaux, à l'occasion du 17 mai. Autrefois peu visible dans ce domaine, la France est aujourd'hui reconnue comme étant l'un des pays les plus actifs sur la scène internationale. Le Quai d'Orsay, un exemple pour tous les autres ministères! Le plan sollicité par le Comité IDAHO l'année dernière, et lancé par Rama Yade le 17 mai 2010, est poursuivi par Chantal Jouanno. Désormais, outre l'homophobie, il concerne également le racisme (vu le contexte à la FFF, ce n’est pas du luxe!). Il prévoit que tous les entraîneurs et éducateurs sportifs puissent recevoir et dispenser une formation contre les discriminations. Les modules sont en cours de réalisation. Mme Jouanno soutient activement le plan, et s'implique à nouveau à l'occasion du 17 mai en installant un comité permanent de lutte contre les discriminations, présidé par Laura Flessel. Cependant, cette initiative tout à fait remarquable devait être proposée aux instances européennes (Union européenne, Conseil de l'Europe), et aux associations européennes, dans le cadre du réseau FARE (Football Against Racism in Europe). Le ministère s'y était engagé, mais cela n'a pas (encore ?) été fait. C'est dommage… Cette année, le Comité IDAHO a interpellé le ministère de l'intérieur, qui annonce plusieurs mesures à l'occasion du 17 mai : une enquête nationale sur les violences homophobes en France, un plan de formation contre l'homophobie et la transphobie pour les policiers, la mise en place de référents homophobie et transphobie dans tous les commissariats de France, et la mise en place d'une cellule contre la violence homophobe et transphobe sur internet, où prolifèrent impunément les appels à la haine et au meurtre. Longtemps attendues, ces mesures constituent une avancée très importante. Cependant, les effets attendus de ce plan ne se feront sentir qu'à moyen ou à long terme. Or, selon un sondage récent de TÊTU, un homo sur 4 a été agressé physiquement dans les dix dernières années. Par ailleurs, les agressions et meurtres homophobes sont souvent mal pris en charge par les services de police, ce qui constitue un grave problème. Plusieurs meurtres homophobes, ou présumés tels, ont eu lieu récemment: les investigations sont-elles vraiment menées comme il le faudrait? Jusqu'ici, le ministère s'est à peu près contenté de faire des campagnes d'affichage, dont l'impact était forcément limité. Le Comité IDAHO a interpellé le ministère: à l'occasion du 17 mai, celui-ci invite les CROUS à intégrer désormais les problématiques LGBT dans leur programmation et leur animation culturelles tout au long de l'année. Par ailleurs, Valérie Pécresse annonce le lancement au sein du ministère d'un groupe stratégique intitulé «Genres et orientations sexuelles», chargé de définir les axes et les outils de recherche sur ces problématiques, en lien avec le CNRS, l'ANR, les universités. Tout cela va dans le bon sens, et pourrait être porteur de décisions fortes concernant des projets ANR, des chaires, des laboratoires, des bourses de recherches et des aides à la publication, mais les résultats de ce plan, arraché au forceps, sont à la fois lointains et incertains… Le Comité IDAHO a sollicité le ministère de la politique de la ville. Du coup, un plan contre l'homophobie est lancé: il mobilise à cet effet les centres de ressources de la politique de la ville, qui réunissent les élus et les experts dans les différents territoires. Par ailleurs, les formations proposées par l'ACSE intègreront désormais l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Tout cela constitue une avancée significative. Cependant, compte tenu des faibles moyens de la politique de la ville en France, reste à voir quelle ampleur le plan pourra prendre effectivement. Le ministère de la cohésion sociale charge la DREES (Direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) d’une vaste enquête sur l’insertion sociale des personnes LGBT. Le fait est que l'on manque cruellement de données en France. Cependant, au-delà des enquêtes, on aimerait que le ministère puisse mettre en place un plan contre l’homophobie et la transphobie. Il existe au sein du ministère un volet personnes âgées, un volet handicap, un volet femmes: pourquoi n’y aurait-il pas un volet concernant les personnes LGBT? Les chiffres manquent cruellement dans ce domaine: le Comité IDAHO demande au ministère de lancer une enquête nationale sur l'homophobie dans le monde du travail, et de solliciter le Bureau International du Travail, pour qu'il fasse de même, ce qui serait une première. Un plan contre l'homophobie dans le monde du travail devrait être annoncé à l'occasion du 17 mai, pour mieux former les professionnels à ce sujet. Mais ce plan demeure sous-dimensionné par rapport à l'enjeu, car il ne concernera qu'une faible partie des personnels concernés. La lutte contre les discriminations dans le monde du travail est-elle vraiment une priorité pour Xavier Bertrand? La formation initiale et continue des médecins et des soignants constitue un enjeu important. Longtemps, ils n'ont connu l'homosexualité qu'à travers le prisme de la psychiatrie, qui a laissé des traces. Or, cette méconnaissance entraîne des manquements, parfois graves, dans la prise en charge des patients. Le Comité IDAHO a interpellé le ministère à ce sujet: des enquêtes diverses sont prévues, en rapport avec le sida, ainsi qu’un plan de formation, notamment dans le cadre des Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Cependant, ce plan demeure insuffisant, car ne concernera qu’une partie des personnels de santé, et sera plutôt constitué de brochures que de réelles formations. En outre, le processus qui avait été engagé pour réformer le parcours de soin pour les personnes transsexuelles est aujourd'hui à l'arrêt. Enfin, les propos et les positions de Nora Berra sur le don d'organes et le don du sang, dont sont exclus les homosexuels, ont créé un sentiment de malaise, difficile à dissiper… La formation professionnelle constitue un domaine peu visible de l'action gouvernementale, mais constitue un levier non négligeable dans la lutte contre l'homophobie et la transphobie. Sollicitée par le Comité IDAHO, Nadine Morano propose que soit renforcée l'offre de formations intégrant la lutte contre les discriminations en général, et la lutte contre l'homophobie en particulier. Ainsi, une information sera adressée aux organismes collecteurs, et au fonds de sécurisation des parcours professionnels sur ce sujet. Elle appellera également la fédération de la formation professionnelle à diffuser ce message auprès de ses adhérents (organismes de formation), pour que ce volet soit proposé dans les formations «interpersonnelles». Rien de spectaculaire, certes, mais le ministère a des leviers limités, et ces petits pas vont quand même dans la bonne direction. Le Comité IDAHO a interpellé le ministère du développement durable, qui a aussi le logement dans ses attributions. Dans ce domaine, Nathalie Kosciusco-Morizet se propose de mettre en place des lieux d'hébergement d'urgence pour les personnes trans, trop souvent exposées aux violences, agressions et discriminations de toutes sortes. A l'avenir, il faudrait élargir et multiplier ces dispositifs d'hébergement d'urgence, pour l'ensemble des personnes LGBT, comme il y en a pour les femmes victimes de violences. Le ministère devrait s'engager dans cette voie nécessaire. Sollicité par le Comité IDAHO, le ministère de la Jeunesse pourrait proposer une campagne de sensibilisation contre l'homophobie, à l'occasion du 17 mai. Mais ce serait de toutes façons une campagne ponctuelle, non une politique durable. On aurait pu attendre davantage, en matière d'homophobie, d'une ancienne présidente de la Halde. Surtout dans un domaine, comme la jeunesse, où il y a tant à faire. Mais il paraît qu'il n'y a pas de levier au ministère de la Jeunesse pour agir dans ce domaine. Est-ce juste un problème de levier? La campagne contre le harcèlement scolaire pourrait avoir des effets directs ou indirects sur la lutte contre l’homophobie. Par ailleurs, le ministère prolonge la campagne d'affichage pour promouvoir la Ligne Azur, qui permet de répondre aux questions des jeunes en matière de sexualité. Mais enseigner avec des affiches, c'est un peu limité. Certes, un rapport sur les discriminations a été publié en août 2010 par le ministère, mais on attend toujours le grand plan contre les discriminations que Luc Châtel promet depuis plusieurs mois. Enfin, après l'affaire du Baiser de la Lune, quid des programmes, de la formation initiale et de la formation continue des enseignants? L'éducation est la mère de toutes les batailles, et plusieurs ministères lancent des plans de formation cette année. Mais dans ce domaine, le ministère de l'éducation semble plus rétif que tout autre à l'idée même… d'éducation. Le ministère de l'Education nationale, mauvais élève de la classe. Quel paradoxe! Des réunions ont eu lieu, d’autres sont prévues. Cependant, en l'état actuel des choses, le ministère ne semble pas avoir de plan pour lutter contre l'homophobie. Pourtant, la culture est un des moyens privilégiés pour lutter contre les préjugés. Dans d’autres pays, des initiatives, parfois d’envergure, sont prises. Qu’en est-il en France? Le fait d'être dirigé par un homosexuel dispense-t-il le ministère de la culture d'avoir une véritable politique de lutte contre l'homophobie? Le ministère a un peu assoupli l'accès aux papiers pour les personnes transsexuelles. Et le contrôleur général des lieux de privation de liberté a pris des mesures pour accompagner les personnes transgenre en détention. Cependant, l'accès aux papiers pour les personnes trans demeure très compliqué et très coûteux, et la France refuse d'appliquer les recommandations du Conseil de l'Europe, que ses représentants ont pourtant votées. Hypocrisie ou schizophrénie? Par ailleurs, aucun plan de formation n'est prévu pour les magistrats, qui souvent refusent de prendre en considération le caractère homophobe des discriminations et des agressions qu'ils ont à juger. Le bilan du ministère de la Justice en la matière est particulièrement médiocre. La police avance. Pourquoi pas la justice? Le ministère a mis en place des préfets dédiés à la cohésion sociale, disponibles pour lutter contre toutes les discriminations. Mais en matière d'homophobie, qu'ont-ils fait au juste? Mystère. Par ailleurs, malgré les nombreuses sollicitations et propositions depuis plus d'un an, aucun plan contre l'homophobie n'a été prévu par le ministère, qui ne semble guère mobilisé sur le sujet. Il n'y a pas de problème d'homophobie dans l'Outre-Mer français? Ou Mme Penchard a-t-elle un problème avec le sujet? Beaucoup de dossiers relatifs à la lutte contre l'homophobie et la transphobie doivent être traités dans un cadre interministériel. C'est le cas au Canada ou au Brésil, par exemple, où de véritables politiques ont été mises en œuvre, dans une coordination interministérielle. Mais en France, la coordination, tout à fait nécessaire entre les ministères, demeure souvent laborieuse dans ce domaine. François Fillon pourrait avoir un rôle d'initiateur, à tout le moins de facilitateur, mais à ce jour, le premier ministre n'est que le premier spectateur de la lutte contre l'homophobie et la transphobie. En outre, aucune avancée sur le dossier de l'égalité des droits: ce sont autant de promesses non tenues. Le dossier porté par Nadine Morano concernant le reconnaissance du beau-parent a été torpillé par Christine Boutin. Qu'on a laissé faire. L'égalité des droits n'avance pas. Or, refuser l'égalité, c'est accepter l'homophobie. Sur un dossier essentiel pour notre pacte républicain, Matignon et l'Elysée portent ici une grave responsabilité. |
Webmaster / Éditeur : Monclubgay.com © | Réalisation : Nichetoo.net | ||
Conditions d'utilisation |
|