07/06/2011 Moins d'un mois après l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, cinq homosexuels californiens sont atteints d'une pathologie qui n'est pas encore appelée sida. Retour sur trente années d'épidémie, entre lutte, espoir et désengagement politique. Une forme grave de pneumonie, puis un cancer de la peau, telles ont été les premières manifestations cliniques de ce qui n'a pas tout de suite été appelé Syndrome d'immunodéficience acquise (Sida). Si les modes de transmissions ont été assez vite connus (voie sexuelle et sanguine mais aussi lait maternel), les médias ont trop vite parlé de la maladie des «quatre H» pour homosexuels, héroïnomanes, haïtiens, hémophiles, ou même de cancer gay, ce qui était aussi stupide qu'irresponsable. Il faut attendre 1984 pour que les professeurs Luc Montagnier, Françoise Barré-Sinoussi et Jean-Claude Chermann isolent le virus. Ces années voient aussi naître deux associations, Vaincre le sida, qui n'existe plus, ainsi que Aides. La solidarité est alors au coeur des luttes. Un test de dépistage arrive en 1985. Depuis cette époque, aucun des trois présidents de la République française en exercice n'a montré d'intérêt particulier pour cette épidémie. Plus grave encore, il faudra attendre 2011 pour que la France mette en place une politique de dépistage volontariste qui cible à la fois des groupes vulnérables, comme les gays, sans oublier la population générale. Aujourd'hui, 50 000 personnes vivant en France sont porteuses du virus et l'ignorent. Les quatre régions les plus touchées sont l'Ile-de-France, la Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Guyane et les Antilles. A ce jour, plus de 35 000 personnes sont mortes du sida en France. Dans le monde, le chiffre des décès atteint 30,8 millions. De vrais progrès thérapeutiques Entre 1986, où l'AZT arrive sur le marché, et 1996, où des combinaisons avec antiprotéases montrent une efficacité jusqu'alors inédite, l'épidémie galope. Les cadavres s'amoncellent, avec un cortège de drames. Les «compagnons de longue date» sont souvent mis à la porte d'appartements partagés avec leur amoureux défunt. C'est d'ailleurs une des raisons qui convainc les socialistes (soutenu, à droite, par la seule Roselyne Bachelot) de faire voter le PACS, en 1999. Au niveau de la recherche, on ne note aucune avancée comparable aux multi-thérapies: le vaccin n'est pas encore au point. Si l'on sait depuis peu que traiter au plus tôt les personnes séropositives avec des antirétroviraux réduit fortement le risque de transmission du virus à des partenaires séronégatifs, cette donnée ne concerne pas les homosexuels (lire notre article). Le préservatif reste donc un des socles de la prévention. Rappelons-le, il n'est toujours pas possible de débarrasser le corps d'un séropositif du virus du sida. Le virus reste présent dans ce qu'on appelle les réservoirs: lymphe, moelle osseuse ou tissus. Une épidémie mondialisée Si on comptait, en 1990, 1 million de personnes vivant avec le sida, on en compte aujourd'hui plus de 33 millions. Au niveau mondial, un tiers des séropositifs qui auraient besoin d'un traitement immédiat n'y ont pas accès. Les gays restent très touchés par l'épidémie: en France, sur l'ensemble des nouvelles contaminations, la proportion de gays est restée stable pour ré-augmenter et atteindre 38%, contre 2% chez les usagers de drogues injectables. Malgré une meilleure qualité de vie dans les pays riches, la dynamique associative reste inégalée, plus forte que toutes les autres pathologies: les militants luttent contre le sida avec une énergie inébranlable, alors que le ministère de la Santé réduit les investissements. Autre constatation, la stigmatisation des personnes vivant avec le virus ne diminue pas, elle prend même de nouvelles formes sur les réseaux de rencontre comme Internet. Certains observateurs croient observer un certain déni qui atteindrait les gays, même s'ils se protègent nettement plus que les hétérosexuels. Selon l'ancien joueur de basket américain Earvin «Magic» Johnson, séropositif déclaré depuis 1991, de nombreux points ont été marqués en termes de prévention chez les homosexuels. Mais le VIH n'est pas une maladie chronique comme une autre. Pour lui, dans la communauté noire, «le virus et les stigmates qui l'accompagnent empêchent tout progrès.» La page de la banalisation est loin d'être ouverte. Regardez ce reportage d'Antenne 2, datant de 1983, consacré à la «panique» aux Etats-Unis, devant le «cancer gay» (cliquez pour accéder au site de l'Ina): http://www.ina.fr/sciences-et-techniques/medecine-sante/dossier/125/sida-30-ans.20090331.fr.html |
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