04/07/2011 Depuis seulement deux ans, les chiffres de participation à la marche données par la Préfecture de police tranchent radicalement avec ceux des organisateurs. Pourquoi? Le directeur des Renseignements s'explique. Juin 2010. Au retour de la Marche des fiertés, les organisateurs se prennent un coup de massue en apprenant l'estimation donnée par la police du nombre de participants: 34.000 dans le cortège et 65.000 autour, soit au total 99.000, quand l'Inter-LGBT évoquait une participation totale de 800.000 personnes. Un écart «scandaleux» pour Vincent Loiseau, alors porte-parole de l'interassociative, qui se demandait alors si l'énorme différence dans les estimations, évidemment notée par tous les médias dès le samedi soir, n'était pas une «volonté de nier le mouvement social» que représente l'association. Cette année… c'est encore pire. Car tandis que l'Inter-LGBT revendique 500.000 participants, la préfecture de police de Paris a dénombré, elle, seulement 36.000 personnes. Soit, à titre de comparaison, à peine plus de quatre fois celui donné par la police de Toulouse (8.000 personnes) quand, de Montparnasse à la Bastille, le défilé de samedi dernier à Paris a brassé une foule dense durant plusieurs heures. Un décalage «grossier, décalé, pas en accord avec la réalité» estime Nicolas Gougain, le nouveau porte-parole de l'Inter-LGBT, qui a dressé sa propre estimation par comparaison avec les chiffres années précédentes (500.000 personnes en 2008, 350.000 en 2009… déjà selon la police!) et en collectant les observations de militants postés en plusieurs points du défilé, qui a tout de même rassemblé 86 chars. Un point de comptage «La différence entre nos chiffres est tellement grosse que ça en devient presque insultant, estime Nicolas Gougain. D'année en année, la police trouve un moyen de faire descendre le chiffre. Cela ressemble fortement à une manipulation du pouvoir.» Un choix politique? Evidemment, la préfecture de police de Paris (PP) s'en défend. «Il n'y a ni consignes a priori, ni modification du chiffre entre notre comptage et la communication à la presse» martèle René Bailly, le directeur du Renseignement de la police. Celui-ci nous nous a même reçus longuement au siège de la direction du Renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP, anciens Renseignements généraux), sur l'île de la Cité, pour s'expliquer sur la nature des chiffres produits. Enregistrement vidéo à l'appui, il nous explique quelle méthode a utilisé la police pour parvenir au chiffre de 36.000 manifestants. «Quatre agents ont été postés en hauteur, celle d'un premier étage, à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue Saint-Jacques.» En un seul point du défilé, donc. Pourquoi cet endroit-là? «D'autres années, nous étions placés plus en amont, mais on nous a dit que certains participants rejoignaient le cortège plus tard. On a donc choisi un emplacement sur le dernier tiers du parcours.» Là, pendant les plus de trois heures de défilé, les agents dénombraient les personnes, par groupe de 10 ou 15, qui traversaient une ligne imaginaire… uniquement sur la chaussée, et dans le sens du défilé. Les badauds invisibles Et c'est tout. Pas de comptage des manifestants qui doublaient le cortège pour en rejoindre un autre endroit, ni ceux qui choisissaient de remonter le défilé dans le sens inverse de la marche, ni des spectateurs immobiles. «Il n'y a pas de moyen objectif de faire la différence entre les badauds favorables et les badauds défavorables à la manifestation», avance M. Bailly. Dans ce cas, pourquoi avoir publié le nombre de 65.000 badauds l'an dernier? «Ce n'était qu'une estimation au doigt mouillé, sans méthode objective. Ce chiffre n'était pas fiable, et d'ailleurs on n'avait pas les moyens de recommencer cette année.» Alors, que penser des chiffres des éditions précédentes, qui se rapprochaient de ceux des organisateurs en atteignant les centaines de milliers? «Ils sont nuls et non avenus», répond sèchement M. Bailly, qui est lui-même arrivé à son poste début juin 2009, après avoir exercé à Marseille. Pourquoi ne pas utiliser des photos de vue aérienne? «Impossible, répond-il, les arbres masqueraient une partie des participants. «Notre méthode, elle est artisanale, reconnaît-il, elle est faillible et peut-être partielle. Mais je ne peux pas laisser dire qu'elle n'est pas appliquée avec le sérieux de la police. D'ailleurs, s'il y en avait une autre permettant de donner un résultat objectif, nous l'utiliserions», assure-t-il. Un défilé pas comme les autres Une méthode appliquée rigoureusement, sans doute, mais qui peine à tenir compte des particularités de la Marche des fiertés, qui n'est pas une manifestation comme les autres. On zappe, on change de char en fonction de la musique qui passe, on remonte le défilé à contre-sens… et, bien souvent, on a l'impression d'y participer en restant sur le trottoir, à regarder les marcheurs avec bienveillance. En tout les cas, le nombre total de personnes qui se sont déplacées samedi dépassait certainement le nombre de personnes ayant franchi le point de comptage au carrefour Saint-Germain. «Ce n'est pas rendre service à la majorité que de minimiser une manifestation qui a le soutien de la population, puisque 63% de la population française soutient le droit des homos au mariage, l'une des revendications-phares de la Marche», regrette Nicolas Gougain. Sauf à se dire qu'après tout, le «score» donné par la police n'est qu'un élément parmi d'autres pour estimer les dizaines – ou les centaines – de milliers de personnes qui ont fait de la Marche des fiertés 2011 un franc succès. |
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