09/08/2011 Peut-on s'aimer quand l'un est séropositif et l'autre pas? Oui! Quatre couples heureux racontent comment l'amour a fait son nid. Car après une déclaration sentimentale doublée d'une révélation pas facile, ils ont choisi de vivre ensemble et de s'aimer. Tout simplement. Michel et Franck, plan à trois au sex-club Comment débuter dix-sept ans de vie commune ? Dans un cruising-bar. Dès le premier soir, Michel et Franck ont veillé à convier un troisième joueur. C'était l'été 1994. Ce n'est qu'en 2002 que michel, 56 ans aujourd'hui, a été contaminé. alors qu'il avait insisté pour qu'il mette une capote, un partenaire inconnu l'a enlevé au cours du rapport. La lubrification a fait qu'il s'en est aperçu trop tard. S'il n'a, par chance, pas contaminé son compagnon, leur vie n'est plus la même. Franck, 47 ans, y pense en faisant l'amour: «Un frein s'installe. C'est bizarre d'ailleurs. Cette pensée, cette distance arrive quand je fais l'amour avec mon mec, alors qu'elle n'arrive pas au bordel. Les contextes divergent : à la maison, c'est la raison, à l'extérieur, la pulsion.» Tous deux ont vécu les périodes les plus noires du sida, puis les progrès des traitements. mais Michel n'a pas été épargné: «Ce n'est pas la séro-différence qui pose problème, mais le fait qu'il y a un malade dans le couple.» Il a eu de lourds effets secondaires pendant quatre ans et cumulé une fatigue invalidante, des problèmes neuro-cognitifs, un vieillissement précoce. Franck a parfois eu le sentiment de vivre avec quelqu'un qui était à ses côtés sans être avec lui. De temps à autre, il a cru que son compagnon se résignait à la souffrance. Leur vie sociale, par crainte des diarrhées ou d'épisodes de fortes fatigues, a été atteinte. Heureusement, Michel va mieux, mais lui qui ne voulait rien imposer a eu peur: «Je ne vois pas comment j'aurais pu vivre sans lui.» Ils s'aiment, ils veulent passer toute leur vie ensemble. Pour que ça fonctionne, Franck a fait passer un message: pas question de jouer l'infirmière. «C'est très dur et ça l'est encore, mais je peux lui dire. Moi, si déterminé à ce que le virus ne détruise pas mon couple, j'ai eu l'impression de vivre avec quelqu'un qui avait la maladie d'Alzheimer.» Comme Michel ne parvient pas à se débarrasser d'un sentiment de culpabilité, tous deux veillent à ne pas se laisser aspirer. La liberté qu'ils s'accordent, ce fonctionnement qui a été le leur dès le début, est une des clés de leur amour longue durée. «Je n'aurais pas supporter qu'il me fasse une scène quand je vais baiser ailleurs», précise Franck. Bernard et Gilles, une séduction à l'ancienne Un soir, en terrasse du Cox, l'échange de regard est un peu plus long, les sourires plus appuyés. La sensation qu'il peut se passer quelque chose est palpable pour Bernard et Gilles. Après un dîner avec des amis communs, les deux garçons se donnent leur téléphone et finissent par se revoir une semaine plus tard. Bernard, porteur du virus depuis douze ans, contaminé à 25 ans, a intégré que ce serait forcément délicat. «Le moment où je dis "il faut que je te parle" me faisait peur. Dans les deux tiers des moments intimes où j'avais évoqué mon statut sérologique, j'avais été rejeté. L'annonce précoce, la tardive, aucune ne convenait.» Bernard, 37 ans, fatigué des rejets, cherche un compagnon séropositif. Gilles, à qui il n'a encore rien dit, est bien décidé à le séduire. Ce qu'ils ressentent, leur complicité intellectuelle et charnelle est évidente, alors Gilles essaie de comprendre pourquoi Bernard le tient à distance. Piqué au vif, touché par cette insistance, Bernard finit par lister à Gilles, via un texto, ce qu'il considère comme ses « défauts ». C'est comme ça qu'il parle de sa séropositivité. Gilles bondit, mais pas pour la raison que l'on croit: «J'étais abasourdi. Pas par cette info là, mais par l'image qu'il véhiculait de lui-même! Pourquoi un garçon de sa qualité se mettait-il dans dans un état pareil?» Gilles, qui a déjà eu des amants séropos, n'a pas de crainte particulière. Dix-huit mois après leur rencontre, il résume ce qu'il a fait: «J'ai enfoncé la porte qu'il m'avait fermée.» Bernard, surpris par cette manière romantique de faire la cour, succombe très vite. Maintenant, alors qu'ils vivent ensemble, il dit que ce volontarisme a fait sauter quelques verrous: «Je m'étais auto-conditionné, trop habitué au "merci-au revoir".» La question du sexe protégé va être réglée, par Gilles, séronégatif. Après avoir consulté plusieurs médecins et parce que les résultats biologiques de Bernard, sous traitement, montrent une charge virale indétectable et zéro infection sexuellement transmissible, il décide de zapper la capote. Face à cette approche qu'il juge «intelligente et raisonnée», Bernard accepte. Leur sexualité, sans échange de sperme, les satisfait pleinement. Est-ce pour autant suffisant pour transformer un virus en anecdote? Pas du tout. Bernard, ultra vigilant, veille à ce qu'une goutte de sperme ne file pas où elle ne doit pas. Gilles n'a pas d'angoisse. Le risque, faible, n'est pas nul, il le sait, mais ça ne l'empêche pas de dormir, de vivre, de bander et d'aimer. En dehors du couple, chacun se protège strictement. Au quotidien, le VIH ne fait pas de vagues. Gilles, gentleman prévenant, prépare même les médicaments de Bernard. «Quand je l'ai vu faire ça, quelque chose a basculé. C'était très important pour moi, et il vérifie même le niveau des boîtes!», s'enflamme Bernard. Tous deux n'excluent pas de se pacser et veulent s'aimer toute la vie. «Je suis passé de la contrition au partage amoureux», résume Bernard, souriant. «Nous avons des différences, comme notre âge, mais ça, ça n'en est pas une. Je veux dire juste dire que certains garçons ont tort de croire qu'on ne peut pas les aimer», ajoute Gilles. S'ils sont à l'unisson, au dernier moment, Bernard ajoute que le VIH reste quelque chose de conséquent. Il hésite puis se lance: sa séropositivité lui a permis d'élaguer, de perdre moins de temps, d'orienter certains choix. Et il cite cet extrait de la version américaine de la série Queer as Folk. Michael, séronégatif, tombe amoureux de Ben, séropositif, prof et sexy. il demande à son oncle Vic, contaminé depuis longtemps, ce que ça fait quand on l'apprend. L'oncle répond: «D'abord, on meurt. Et après, on apprend à vivre avec.» |
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