22/11/2012 Le cardinal archevêque de Paris, André Vingt-Trois, a fait lundi à Rome un long laïus sur les liens de sang dans la famille, et s'est inquiété de la perte du principe de filiation, en cas d'adoption dans le cadre des mariages entre personnes de même sexe. L'écrivain Philippe Besson, contributeur mensuel du magazine TÊTU, fait entendre un autre son de cloche. Lettre à Monseigneur Vingt-Trois, Monsieur le Cardinal, Il y a quelques semaines, vous avez cru bon de qualifier de «supercherie» l'ouverture du mariage à tous les couples, quel que soit leur sexe. Le 19 novembre, à Rome, vous vous êtes inquiété de la «dérive marchande» que pourrait créer la possibilité pour les homosexuels de devenir parents. Puisque vous avez choisi d'intervenir (qui plus est, de manière fracassante) dans le débat public, qu'il me soit permis de vous interpeller publiquement et de vous rappeler quelques vérités têtues. Sur le mariage, tout d'abord. Les personnes de même sexe qui demandent à convoler en justes noces ne demandent pas à passer devant monsieur le curé mais devant monsieur le maire. Le mariage qu'on propose de leur octroyer n'est aucunement religieux mais intégralement civil. Dès lors, pourquoi jugez-vous nécessaire de vous inviter dans un débat qui ne vous concerne en rien et qui ne conduira aucun membre de votre Institution à intervenir? Dois-je, par ailleurs, vous rappeler que le mariage religieux ne revêt aucune valeur légale ? J'ajoute que le code pénal punit tout ministre du culte qui procéderait à une cérémonie religieuse sans disposer d'un acte dûment établi par un officier d'état civil. Se marier devant Dieu relève donc au mieux d'un acte de foi intime, au pire du divertissement familial. Je vous saurai donc gré de le laisser à la place véritable qu'il occupe. Depuis 1905 (c'est-à-dire depuis 107 ans), en France, les affaires de l'Eglise et celles de l'Etat, je ne vous l'apprends pas, sont séparées. Dès lors, si on vous autorisait à faire connaître votre opinion sur des dispositions d'état-civil, il faudrait également qu'on vous autorise, par exemple, à donner votre avis sur le contenu des manuels scolaires ou le recours à l'arme nucléaire. Le laïc que je suis s'y refuse absolument. J'ajoute que votre compétence, sur ces sujets non plus, n'est pas établie. Et chacun mesure à quel point votre intervention serait choquante. Vous semblez, par ailleurs, redouter que le mariage pour tous n'ouvre la voie à la polygamie et l'inceste. Oserais-je vous murmurer que la polygamie et l'inceste existent déjà alors que le mariage pour tous, lui, n'existe pas? Le lien de cause à effet que vous paraissez établir a donc sérieusement du plomb dans l'aile, non ? Poursuivons. Si vous vous montrez loquace sur le mariage, vous l'êtes moins sur le divorce qui lui fait suite dans un cas sur deux. A tout le moins, vous devriez, séance tenante, confirmer votre opposition radicale aux deuxièmes (voire troisièmes) noces et vilipender ces hétéros dégénérés qui osent bafouer un tel sacrement. Est-ce votre intention? Enfin, puisque vous le révérez tellement, ledit mariage, cher Cardinal, pourquoi refusez-vous avec autant d'obstination de l'offrir à des gens qui s'aiment (au seul motif, je le rappelle, qu'ils sont de même sexe)? On jurerait que l'homme de foi prônant l'amour que vous incarnez occulte absolument la dimension sentimentale d'un tel contrat. Etrange, n'est-il pas? Sur la parentalité, ensuite. Vous dites: «Un enfant est issu d'un homme et d'une femme». Cela nous fait un point d'accord. Et je voudrais vous rassurer: ce sera toujours le cas demain. Vous exprimez des inquiétudes sur l'équilibre d'un enfant qui aurait deux parents du même sexe. Pourquoi pas? Mais, dans ce cas, j'aimerais vous entendre sur les ravages de l'hétéroparentalité. Car, a priori, tous les enfants déséquilibrés, névrosés, souffrant d'une pathologie, etc. recensés à ce jour (et ils sont nombreux si l'on en croit les psys) sont tous des enfants issus de couples hétérosexuels. De même, les enfants violents ou violentés ont tous un père et une mère. Pas deux pères ni deux mères. Vous ajoutez: «Demain, on pourra acheter un enfant sur Internet». Cette affirmation dit assez bien de quel côté se trouve l'outrance, je crois. Enfin, vous répétez en boucle que «la protection de l'enfant» vous préoccupe. C'est également mon cas, voyez-vous, et celui de nombreux homosexuels qui se préparent à devenir parents. Vous n'avez pas le monopole du cœur. Mais puisque vous abordez ce sujet, qu'il me soit permis de vous interroger sans détour : où en êtes-vous des affaires de pédophilie? Que pensez-vous de ces curés qui ont violé des enfants, qui en violent encore peut-être ? Que pensez-vous du silence assourdissant, et forcément coupable, de l'Institution sur le sujet? Vous, si prompt à donner des leçons de morale aurez à cœur de me répondre, j'en suis persuadé. A défaut, merci de vous taire. Bien respectueusement. Philippe Besson. |
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