30/11/2012 REPORTAGE. Plusieurs dizaines de manifestants se sont réunis place du Trocadéro pour lutter contre le projet de loi ougandais qui pourrait bientôt condamner à mort les homosexuels. «L'Ouganda va au génocide!» L'appel est alarmant. Une trentaine de personnes se sont réunies cet après-midi sur l'esplanade du Trocadéro, à Paris, pour un die-in de contestation. A l'écoute du signal, tout le monde s'allonge sur l'esplanade qui fait face à la Tour Eiffel afin de dénoncer le projet de loi examiné en ce moment par le parlement ougandais, qui prévoit notamment la peine de mort en cas «d'homosexualité aggravée» – à savoir récidive ou relation sexuelle avec mineur par exemple. Sur l'esplanade, presque tous les Ougandais du collectif organisateur avancent masqués. Car derrière les clowns tristes et les loups colorés se cachent des réfugiés politiques. Pour la plupart, ils craignent les représailles. Mais Jackson, lui, est venu à visage découvert, résigné: «J'ai été arrêté plusieurs fois, mis en prison, menacé de la peine de mort. Je suis sur les listes de toute façon.» Pour plusieurs d'entre eux, la fuite était le seul recours. «Là bas, c'est déjà la chasse aux sorcières, raconte-t-il. La police peut tout vous faire: vous insulter, vous arrêter, vous battre. Certains parlementaires ont dit qu'ils feraient passer cette loi avant le 24 décembre, comme un cadeau de Noël à tous les Ougandais. Ça en dit long sur leur état d'esprit.» L'ultime recours Un cadeau de Noël à peine croyable, mais l'organisateur est formel: «90% des membres du Parlement vont voter la loi.» Auf Usaam Mukwaya est en France depuis 2010. Quand il a appris la teneur de la loi, il a voulu utiliser sa récente liberté pour agir. «Nous pensons que la loi va être votée la semaine prochaine. Tant que le président ne l'a pas signée, cela nous laisse une marge de manœuvre. Il faut réussir à empêcher cette loi, et aujourd'hui, nous sommes là pour interpeller la communauté internationale.» L'ultime recours possible pour les manifestants, qui brandissent plusieurs fois la menace du génocide. «Nous avons besoin que la communauté internationale fasse monter la pression sur le gouvernement, continue l'activiste. L'Ouganda dépend des financements internationaux, notamment sur les politiques de santé. Des leviers de pression existent, il faut les utiliser.» Et la France de 2012 semble être le bon endroit pour que les LGBT trouvent de l'aide. Avec l'impulsion de l'Inter-LGBT et de l'Ardhis, le collectif sera reçu la semaine prochaine au ministère des Affaires étrangères. «J'aimerais que la France prenne position, qu'elle nous soutienne» explique l'organisateur. Sur cette question, la déclaration de François Hollande face à l'Onu et de Laurent Fabius, son ministre des Affaires étrangères, laissent plutôt bon espoir, sauf si les leviers de pression s'avèrent plus faibles que ceux des défenseurs de la loi. L'espoir d'un miracle Une militante des Lesbiennes of Color interrompt Auf Usaam: «Rappelle-leur que l'extrême-droite américaine presse le gouvernement ougandais de passer la loi.» Et l'organisateur de confirmer: «Ils ont mis en place des financements importants pour être sûr que la loi soit votée.» Pour les associations françaises, aucun miracle n'est attendu côté français. «La France donne 30.000 euros au fonds de soutien LGBT pour l'international. C'est ridicule. Aucun engagement vraiment fort sur l'international ne s'est dégagé des discours politiques», explique un militant français. «En France, commente Auf Usaam, on débat sur le mariage, sur l'égalité des droits. En Ouganda, on débat encore sur le droit des homosexuels à vivre.» Pendant cinq minutes, allongés par terre, les pancartes dépassant des gants en laine, les nez recouvert d'écharpes, les activistes symboliquement «tombés» se prennent à rêver de l'égalité dans le pays qui les a vus naître. Lorsqu'ils se relèvent, un écho hante l'esplanade. «Honte, Ouganda.» |
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