12/02/2013 Le Martiniquais Serge Letchimy a annoncé son vote demain à l'Assemblée en faveur du mariage pour tous. Pour les autres, le poids de la religion explique souvent un rejet de l'égalité des droits. Tour d'horizon du vote outremer. DERNIÈRE MINUTE: Le député de Martinique Serge Letchimy (apparenté PS, photo ci-contre) vient d'annoncer qu'il votera ce mardi pour le projet de loi relatif au mariage pour tous dans une lettre ouverte adressée à la garde des Sceaux Christiane Taubira et rendue publique aujourd'hui à Fort-de-France. «Vous nous faites vivre de nouveau un moment historique! C'est une extension des droits et une extension de conscience que vous nous apportez», écrit-il, rappelant qu'elle fut à l'origine d'une loi sur la reconnaissance de l'esclavage. Souvent peu visibles lors des débats nationaux, les ultramarins ont surgi lors de la discussion sur le mariage homosexuel avec un rejet affirmé, pour certains même à gauche, de ce texte: l'argument religieux a été le plus utilisé et reflète l'importance de la pratique cultuelle dans ces territoires. Ce front du refus a été incarné par la prise de parole du député Bruno Nestor Azérot (GDR, Martinique) dès le second jour des débats. Croyant revendiqué, il a fustigé un «projet qui bouscule toutes les coutumes, toutes les valeurs sur lesquelles reposent nos sociétés ultramarines», pointant «un risque d'un profond désenchantement (…) voire d'une cassure morale irrémédiable». Un propos applaudi par l'opposition en séance. En revanche, la députée de Guyane Chantal Berthelot (apparentée socialiste) s'est prononcée pour à l'Assemblée nationale, reprochant même à Hervé Mariton de prétendre que l'outremer dans son ensemble était opposé au projet de loi. Quant à la Réunion, trois députés au moins, Ericka Bareigts, Jean-Claude Fruteau et Monique Orphé, tous trois apparentés PS, soutiennent le projet Taubira. A l'Assemblée nationale, Ericka Bareigts a justifé son engagement en rappelant la lutte historique des Réunionnais pour l'égalité depuis l'abolition de l'esclavage. «Vivre au grand jour son homosexualité est plus difficile que dans une grande ville» Chaises vides D'autres députés ultramarins de gauche ont fait part de leur intention de ne pas voter ce texte, comme Gabriel Serville (GDR, Guyane), Alfred Marie-Jeanne (GDR, Martinique). Beaucoup ont opté pour la tactique de la chaise vide: pas de présence, pas de vote. Pour Frédéric Régent, de l'université Paris IV Panthéon-Sorbonne, même si le taux de mariage y est historiquement plus faible qu'en métropole, «il faut noter le poids de la religion aux Antilles: la pratique religieuse est très forte et toutes les églises catholiques, protestantes et évangélistes sont très développées». «Vivre au grand jour son homosexualité est plus difficile que dans une grande ville, là dans un espace insulaire, tout le monde se connaît», poursuit l'historien. Pour autant, en Guadeloupe, l'homosexualité connue de certains responsables politiques n'a pas empêché leur réélection. Foudres d'Act Up Les dispositions relatives à Mayotte ont suscité à l'Assemblée des échanges nourris. Musulman à 95%, ce territoire a connu de nombreux bouleversements en accédant en 2011 au statut de département français, avec notamment la fin de la polygamie. La maire PS de Pamandzi, Ramlati Ali, s'était attirée les foudres d'Act Up-Paris en demandant, avant l'ouverture du débat, que «cette loi en soit pas appliquée à Mayotte». Président du Conseil Représentatif des musulmans de Mayotte, Ali Saïd, «espère» que «la République mettra Mayotte à l'écart de l'application de cette loi», qu'il considère «en contradiction avec les préceptes du prophète Mahomet». «Un autre rythme» De son côté, Ismaël Saïd Combo Yacout, premier adjoint du maire de Dzaoudzi-Labattoir, se revendique «républicain» et promet d'appliquer la loi dans sa mairie, tout en doutant «compte tenu des mœurs», qu'un couple homosexuel s'y présente. En Polynésie, où aucune des nombreuses chapelles chrétiennes n'est favorable au mariage gay, les trois députés (UDI) se sont affichés contre la future loi. L'un d'eux, Jean-Paul Tuaiva, a plaidé pour «un autre rythme que la métropole», estimant plus «judicieux» d'appliquer d'abord le Pacs. Relevant du droit des contrats, le Pacs n'a pas été transposé en Polynésie par l'Assemblée locale. Alors que si la loi sur le mariage homosexuel est adoptée, elle s'appliquerait de fait car elle relève du droit des personnes. Le Caillou ambivalent En Nouvelle-Calédonie, la situation est aussi ambivalente. Disposant aussi d'une grande autonomie, elle avait, elle, transposée le pacs en 2009, soit dix ans après son adoption dans l'Hexagone. Sur le Caillou, «il est plus facile de vivre son homosexualité si l'on est Européen et si l'on habite à Nouméa», estime Olivier Testemalle, président de l'association Homosphère. «En brousse ou dans les îles, les choses deviennent plus difficiles, d'autant plus si l'on est Wallisien ou Kanak. Le poids de la coutume et leur vision de la religion, portée à l'intolérance, ne facilitent rien», selon lui. «C'est totalement contre nature et je peux vous dire que ça n'arrivera pas chez moi», a récemment déclaré Hilarion Vendegou, sénateur (UMP) et maire de l'île des Pins. En revanche, les deux députés (UDI) Sonia Lagarde et Philippe Gomès, devraient voter pour ce projet de loi. Par Sophie Lautier avec les correspondants de l'AFP Regardez l'intervention de Nestor Azérot à l'Assemblée: |
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