25/11/2013 Yagg a rencontré la candidate du Parti de Gauche pour les élections municipales à Paris. PMA, droit des trans', Paris 2018… une interview sans langue de bois. Danielle Simonnet sollicitera les voix des Parisien.ne.s lors des élections municipales de 2014. Candidate du Parti de gauche, elle a quitté le Parti socialiste en 2008, en même temps que Jean-Luc Mélenchon. Conseillère d'orientation et psychologue de formation, elle est adjointe au maire du XXe. Elle répond sans langue de bois aux questions de Yagg sur la rupture avec le Parti Communiste à Paris, sur les homos sur des listes FN et sur Paris 2018 Ian Brossat et vous incarnez le Front de Gauche à Paris. Il a choisi avec le Parti communiste de figurer sur les listes d'Anne Hidalgo, la candidate socialiste, vous faites campagne avec le Parti de Gauche. Pourquoi cette rupture? Sur Paris, Pierre Laurent [sénateur de Paris et secrétaire national du Parti communiste français] a pesé de tout son poids pour troquer l'humain contre des places d'abord. Treize places au Conseil de Paris pour lui assurer un poste de sénateur, on trouve que c'est un très mauvais choix politique qui place le PCF dans la schizophrénie. Ils sont en train de renoncer sur de nombreux sujets municipaux comme la couverture du périphérique. Je ne veux pas les insulter, mais éveiller les consciences: c'est au peuple de choisir les orientations, on ne doit pas les négocier à sa place. Si nous n'avons pas d'élus, c'est que nous n'avons pas su convaincre. Que reprochez-vous à la majorité municipale sortante? Quand on a gagné en 2001, il y avait un côté 1789 parce qu'on a repris la ville. En deux mandatures, il y a eu de belles réalisations, mais un gros échec: l'exode social. Paris devient de plus en plus une ville réservée aux riches. Rien n'a été fait sur la spéculation immobilière, donc on a accéléré la gentrification [l'embourgeoisement, ndlr]. Les entreprises privées font des bénéfices alors que des régies publiques rendraient des services aux Parisien.ne.s. Les parkings, quasiment tous phagocytés par Vinci, sont extrêmement chers. Les petits commerces meurent à cause des grosses enseignes qui dérégulent le temps de travail et nous obligent à adopter un rythme effréné. On va vous dire de travailler dans les Hauts-de-Seine et d'aller vivre en Seine-et-Marne ou de vous entasser en Seine-Saint-Denis. En restant dans le carcan de l'austérité, on bousille une ville. L'exécutif municipal a reculé sur le transfert de fonds de l'État vers la ville. En 2011, l'État nous devait 1,6 milliard d'euros. Mais à partir du moment où Hollande est arrivé aux manettes, l'ardoise a été effacée et on a arrêté de compter. Anne Hidalgo et Bertrand Delanoë ne veulent plus réclamer l'argent alors que ce n'est pas une question de personnes, c'est juste la continuité de l'État. En quoi consiste votre projet? Nous ferons l'inverse de ce qui se fait actuellement pour qu'il y ait un droit à l'émancipation dans la ville. L'intérêt général doit prendre en compte la question économique, écologique, humaine et sociale. Le premier axe consiste à faire de Paris la capitale de la résistance à l'austérité, ce qui changerait la politique du gouvernement et aurait une incidence sur ce que vivent les Grec.que.s et les Espagnol.e.s. Il faut aussi se battre contre la spéculation immobilière. Le deuxième axe est d'enrayer l'exode social. La réhabilitation thermique des bâtiments doit se faire sans pour autant augmenter les charges, nous créerons des conseils de l'habitat pour avoir des contrepouvoirs aux bailleurs et aux propriétaires et pour créer du lien entre les habitant.e.s des quartiers. Développer une ville du bien-vivre pour toutes et tous est notre troisième axe. Il faut repenser l'aménagement du territoire. Nous nous opposons au Grand Paris où Paris domine les villes limitrophes et évince le peuple des prises de décision. Nous soutiendrons le mouvement associatif en refusant les marchés d'appels d'offres qui imposent un cahier des charges dicté par le politique. On vous a vue manifester en faveur de la PMA pour les couples de femmes. Pourquoi avoir choisi de vous engager pour cette mesure? Avec ce gouvernement, on avait de grands espoirs pour qu'au moins sur la question sociétale, l'égalité des droits, la lutte contre les LGBTphobies, il y ait une avancée. Mais on a une loi a minima, on abandonne la PMA et la question trans'. Le débat sur le mariage a duré et a permis à la réaction de se mettre en avant, en banalisant l'homophobie, pour faire diversion pendant qu'on cassait le droit du travail. J'ai été à toutes les manifestations pour l'égalité et j'ai été fière de piquer au collectif Oui Oui Oui leurs pancartes sur la PMA. J'ai rencontré les associations trans' et participé à l'Existrans' car ces questions sont essentielles si notre projet c'est l'émancipation. On est dans une société dominée par le patriarcat. Cette domination légitime toutes les autres formes d'oppression. C'est la plus monstrueuse car elle assigne à l'homme et à la femme des rôles déterminés et domine le rapport à l'être. Ce n'est pas une question annexe, elle est centrale. S'attaquer à la domination patriarcale, aux LGBTphobies, c'est remettre l'humain d'abord. J'en veux aux socialistes d'avoir été lâches ou complices de la perpétuation de cette domination. Une élue municipale peut-elle agir sur ces questions nationales? Est-ce qu'un élu est un gestionnaire de la ville ou un représentant du peuple? Dans le premier cas, on se fout de ces questions qui relèvent d'un autre niveau de compétence. Mais les Parisien.ne.s sont concernées par la PMA et les trans'! Moi, en tant qu'hétéro, ça me concerne parce que ça fait reculer le patriarcat. Ce que subissent les LGBT me scandalise. Les manifs «un papa une maman», ça veut dire que par nature, le père et la mère ont un rôle différent. Les droits acquis pour les LGBT sont des droits acquis pour tout le monde. Je me conçois comme une élue militante. Mon rôle sera de mener les batailles de conscience au niveau local mais aussi législatif, au national comme à l'international. Si j'avais été maire, j'aurais appelé les Parisien.ne.s à venir manifester. Bertrand Delanoë est très engagé et le fait qu'il soit ouvertement homo a beaucoup fait évoluer les mentalités mais il faut aller plus loin. Les sondages indiquent une montée du Front national dans l'opinion. L'extrême droite propose même une liste avec des candidats ouvertement gays dans le IIIe arrondissement de Paris. Jean-Luc Mélenchon a fait de la lutte contre ce parti une de ces priorités. Qu'en est-il pour vous à Paris? Cette hausse du vote FN arrange bien l'UMP et le PS qui en jouent pour mieux imposer le bipartisme. Je crois que la montée du FN sera forte dans les petites villes excentrées, mais il montera moins à Paris qu'ailleurs, et surtout dans les quartiers de droite. C'est en tout cas mon ennemi n°1. Le racisme et l'homophobie ne sont pas des opinions mais des délits. Je ne sais pas comment le FN va faire avec ses candidats homos, mais quand on construit nos listes, nous, on n'a pas réfléchi à «on met une gouine, un pédé, un noir, un musulman». On ne va pas compter! Dans le XXe, pour le FN, ce sera la liste des blancs contre les Roms. Je trouve ça tout sauf émancipateur. Paris accueillera les Gay Games en 2018. Si vous êtes élue, comment vous impliquerez-vous dans l'organisation de cet événement? C'est une grande fierté. Mais il faudra faire un travail d'accompagnement parce que les mouvements réactionnaires vont monter en puissance. Ce sera un grand temps d'éducation populaire en plus de la fête sportive, pour que les gens prennent conscience des oppressions qui ont lieu dans d'autres pays. La politique du sport peut être autre chose que commerciale et divertissante, elle peut aussi être vecteur de lien social. Ce ne doit pas être la «fête du Marais», une manifestation pour une minorité. Je veux que ce soit la fête de l'émancipation. Les organisateurs ont cette volonté de faire quelque chose d'universel. Ce n'est pas la fête des homos et des lesbiennes, et il faut être capable de co-construire ça pour que ce ne soit ni communautaire, ni honteux. |
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