13/01/2009 Multiplication des cas de violences, profanation de tombe et durcissement des peines infligées par la justice à l'encontre d'homosexuels: l'homophobie gagne du terrain au Sénégal (Afrique de l'ouest), selon de nombreux observateurs. «Il y a toujours eu des courants homophobes dans la société sénégalaise, mais ils deviennent de plus en plus fort», a déclaré à l'AFP Cheikh Ibrahima Niang, professeur d'anthropologie sociale à l'Université de Dakar et auteur d'études sur les homosexuels. Au Sénégal, pays à 95% musulman, l'homosexualité est officiellement interdite et passible, selon le Code pénal, d'une peine allant d'un à cinq ans d'emprisonnement. Un juge du tribunal de Dakar a pourtant condamné cette semaine neufs homosexuels à huit ans de prison, alors que le parquet avait requis cinq ans d'emprisonnement. Une peine jugée «très lourde» par la Rencontre Africaine pour la défense des Droits de l'Homme (Raddho), basée à Dakar. «C'est la première fois que la justice prononce une telle sanction. Cela n'a pas de sens», s'est insurgée Khady Ndiaye, la directrice exécutive nationale de l'organisation. Depuis un an, les affaires mettant en cause des homosexuels se multiplient. En février 2007, une dizaine de jeunes avaient été arrêtés, interrogés puis relâchés suite à la parution de photos d'un «mariage gay» dans un journal people. Leur libération avait déclenché une levée de boucliers chez certains imams. Un projet de loi «visant à combattre l'homosexualité et les comportements impudiques» avait alors été déposé à l'Assemblée Nationale. Il prévoyait de durcir les peines et de les ramener à dix ans d'emprisonnement, mais est resté à ce jour sans suite. En août 2008, un Belge et un Sénégalais accusés de «mariage homosexuel et actes contre nature» avaient été condamnés à Dakar à deux ans de prison ferme et viennent d'être libérés. En août également, la tombe d'un célèbre homosexuel «repenti» avait été profanée par des villageois qui ne voulaient pas le voir enterré dans leur localité de Guinguinéo, situé dans la région de Kaolack, au centre du pays. «Cela s'est répété à Pikine (banlieue populaire de Dakar), en novembre», a indiqué le président d'une des sept associations sénégalaises de prévention du sida chez les homosexuels, qui s'exprime sous couvert de l'anonymat. «Des gens ont pris le corps d'un ami à la mosquée et l'on déposé sur la route, parce qu'ils ne voulaient pas qu'il soit enterré au cimetière», a-t-il expliqué. Au quotidien, les homosexuels disent vivre dans «des conditions qui empirent», harcelés par des coups de téléphone de «menace de mort». «On est persécuté en permanence, on se fait taper, insulter, dénoncer. Je vie avec la peur au ventre», a confié un jeune homosexuel. Les trois mois de l'été 2008, il les a d'ailleurs passés en prison suite à sa condamnation pour «acte contre nature et outrage à la pudeur publique». Selon le professeur Niang, cette attitude des populations à l'égard des homosexuels est liée à «une instrumentalisation et a une certaine radicalisation du discours religieux». De plus, «la société est en crise et elle a tendance à transférer son agressivité vers les minorités les plus faibles comme les homosexuels», a-t-il expliqué. Cette agressivité est visible dans les forums sénégalais sur l'internet où les sujets traitant de l'homosexualité déclenchent le plus souvent des propos virulents. Les «Goordjiguen» (littéralement "homme-femme" en langue wolof) y sont qualifiés «d'impurs» et de «non-musulmans». Pour le professeur Niang, «le plus inquiétant c'est que tout porte à croire aujourd'hui que l'Etat essaye de contenter les courants homophobes». «On est en train de régresser en matière de respect des droits humains. Si on tolère cette situation, on peut s'attendre au pire», a-t-il conclu. Julie Vandal (AFP) |
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