08/12/2009 REPORTAGE. Elles vivent dans la terreur de la répression de la part de bandes bien organisées. Les trans de Bogota confient leurs parcours et leur désespoir quotidien. Il y a quelques jours, ils se sont parés de leurs plus belles robes, pour un défilé de mode. Sur la passerelle, les trans de la rue ont pour quelques heures oublié les menaces croissantes, y compris de mort, que profèrent de nouveaux groupes de «nettoyage social» à Bogota. La fête, organisée à l'occasion des journées contre la violence de genre, est passée. Installés sur des chaises en plastique, ils sont un petit groupe de transgenres, au visage aussi triste et fatigué que les survêtements de sport gris obligatoires dans cette auberge pour SDF du centre de la capitale colombienne. «Un sujet très délicat» Ils acceptent de parler à condition que leur nom ne soit pas publié, même pas un surnom. «C'est un sujet très délicat. Ici n'importe qui peut ressortir et dire: ceux-là, ils parlent avec des journalistes étrangers. Après tu sors et Pam Pam!», explique l'un d'entre eux en mimant la détonation d'un revolver. P. raconte être arrivée à Bogota à l'âge de 13 ans, en provenance de Medellin, à 450 km au nord-ouest de la capitale. «Mon père commençait à me rejeter. Tu sais, j'étais maniérée. Dans mon quartier on commençait à me stigmatiser.» Depuis, vingt ans se sont écoulés et cette transsexuelle énumère une litanie d'histoires de «prostitution, bazuco (drogue du pauvre réalisée avec les résidus de la pâte de coca) et marijuana.» «Il y a toujours eu des menaces. Mais la situation est devenue critique. On a tué une de nos camarades, Catherine, il y a quelques jours. Cinq balles. Ce sont des types qui arrivent dans des voitures noires, cagoulés. J'ai peur. On ne sait jamais… ton heure peut arriver à n'importe quel moment.» «On nous a mis le gun comme ça» Un autre résident du centre d'accueil se joint à la ronde. «On nous a mis le gun comme ça hier», renchérit ce trans en mimant une arme pointée sur la tempe. «C'est le temps du nettoyage», ajoute-t-il. Difficile de discerner entre la paranoïa induite par le «bazuco» - drogue qui en descente crée un sentiment de panique - et le vécu. Mais Marta Lucia Ortiz, coordinatrice de la Maison de la Justice du quartier des Martyrs, fréquenté par trans et prostitués, confirme que Catherine a bien été tuée, ainsi qu'une activiste défendant les droits de la communauté LGBT, le tout en l'espace de deux mois. Selon elle, l'une des chefs de file de cette communauté est également menacée et une autre a dû quitter la ville. Expéditions punitives Un rapport de la Corporation Nuevo Arco Iris, observatoire du conflit colombien, affirme aussi que des héritiers des milices d'extrême-droite dissoutes en 2006 se sont installés dans dix districts sur vingt de Bogota. En février et mars, une vague de tracts a terrorisé certains quartiers: on y annonçait des expéditions punitives contre les «drogués, homosexuels et prostituées», des «opérations de nettoyage». Selon un travailleur social connaisseur de ce milieu qui a également souhaité garder l'anonymat, Bogota souffre de l'afflux de populations déplacées par le conflit colombien, où s'affrontent depuis plus de quarante ans guérillas d'extrême-gauche, narcotrafiquants, milices et armée. La surpopulation engendre des gangs qui «imposent leur loi, pas seulement aux LGBT mais aussi aux SDF», assure-t-il. «Ils font un véritable travail de renseignement. Ces listes, ajoute-t-il, sont placées dans des endroits très fréquentés: abribus, parcs. Les bandes, sous couvert de protéger les habitants, finissent par faire payer cette protection et s'armer.» |
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