02/02/2010 Après l’annulation de l’élection de Mr Gay China il y a une semaine, retour sur ce qui devait être une étape décisive dans la reconnaissance de la communauté homosexuellMais que s’est-il donc passé exactement le soir du 15 janvier à Pékin dans les locaux du très branché Lan Club ? Certes, les médias étaient au premier rang pour relayer ce (non-) événement, et ce soir-là, la communauté gay chinoise a dû faire une croix sur un «Mr Gay China» qui devait la représenter à Oslo lors du Mr Gay World. Pourtant, deux heures après l’annonce, les discussions allaient toujours bon train sur le pourquoi du comment. Officiellement, explique Ben Zhang, 30 ans, l’un des organisateurs de la soirée, il n’y a qu’à se référer à son blog – Gayographic. «A 22h nous avons publié un communiqué», explique-t-il. Or à cette heure, lui et son acolyte Niu Niu étaient encore en train d’en découdre avec les huit, puis vingt policiers, dans une petite salle du Lan. Sur le post, les organisateurs s’excusent pour le «dérangement occasionné», annonçant qu’après discussion, organisateurs et candidats ont décidé de «ne pas envoyer de représentant chinois en Norvège cette année». Le message, énigmatique pour qui connaît le personnage, n’a pas manqué d’alimenter les commentaires. «C’est sans doute parce que l’événement, qui véhicule une certaine image de la Chine à l’étranger, n’a pas été passé au crible des autorités», suggère un Français, qui vit depuis 2 ans à Pékin. Pression de la police Interrogé quelques jours plus tard, Ben affiche un air décontracté. Il consent à raconter les détails de la soirée. «Quand les policiers sont arrivés, l’équipe du Lan a d’abord essayé de négocier pour que l’événement ne soit pas annulé. Mais les discussions ont échoué, et les policiers sont venus me voir vingt minutes plus tard, moi et Niu Niu (second organisateur)». L’ultimatum policier est clair: le show doit être annulé, et les participants évacuer les lieux dans l’heure qui suit. Motif invoqué? Les organisateurs n’ont pas pris suffisamment de précautions en cas d’incendie et n’ont pas l’autorisation pour organiser une performance. A entendre Ben, une ampoule cassée ou une toile d’araignée aurait tout aussi bien pu servir de prétexte à l’annulation. Faisant profil bas, Ben et Niu Niu écoutent les récriminations des policiers sans souffler mot. Pendant ce temps, on s’inquiète dans les pièces à côté. Les représentants de grands médias internationaux, qui ont fait le déplacement pour relayer l’événement, se demandent pourquoi les organisateurs ont disparu. Peu avant 20h, Ben réussit à s’éclipser pour tenter de sauver l’événement, en demandant l’aide des gérants du Lan. Son compagnon Niu Niu, lui, est resté aux prises avec la police: sous pression, c’est lui qui annoncera l’annulation un quart d’heure plus tard. «Une chose nouvelle» Pour l’anecdote, Ben, occupé à négocier et téléphoner, apprend l’annulation par un journaliste à qui il demande la photo de la personne qui a fait l’annonce. On lui montre alors Niu Niu. «J'aurais fait pareil à sa place», souligne-t-il. C’est alors que les médias tournent leurs objectifs vers lui. Les questions fusent. «Je pensais naïvement que les journalistes pourraient m’aider en m’accompagnant devant les policiers, mais les gens du Lan Club les ont empêché de rentrer dans la pièce où ils se trouvaient. J’avais perdu mon soutien.» De là s’ensuit une séance de questions de 2h30 avec la police tandis qu’à l’extérieur, un policier en civil confie à des journalistes, à propos de l’homosexualité: «c’est encore une chose nouvelle en Chine.» Optimisme de rigueur Toujours est-il qu’aujourd’hui, Ben Zhang ne donne pas l’air d’être remonté contre la décision des autorités, réservant ses critiques au club Lan qui «ne l’a pas du tout aidé». Sur le fin mot de l’affaire et l’origine de l’ordre, il reste prudent. Selon lui, les policiers appartenaient à des bureaux différents, même s’il ne sait pas lesquels. Quant au motif, il est pour lui relativement certain que le cocktail «gay» et «attention des médias étrangers» n’a sans doute pas fait peser la balance du bon côté. Ben revient aussi sur les raisons qui lui ont fait croire que c’était possible. «Il s’est passé tellement de choses importantes en 2009 en Chine pour les gays que cela m’a encouragé à organiser cet événement.» Gay pride à Shanghai, ouverture d’un bar gay financé publiquement dans le Yunnan pour lutter contre le sida, mariage gay à Chengdu plus récemment… «Dans mon cas, même les médias officiels comme Xinhua ou le Xin Jing Bao (Nouvelles de Pékin) m’ont interviewé.» Il y a cependant un point sur lequel Ben se montre très clair: aucun des motifs invoqués par la police ne tient la route. D’une part le Lan club est plus que rôdé à l’organisation de spectacles. Ensuite il n’existe aucun permis spécial requis pour des événements qui réunissent moins de 500 personnes. Et «même s’il y avait quelque chose à fournir, poursuit-il, c’était au Lan de s’en occuper, puisque ce sont eux qui louent la salle.» «Je ne suis pas un activiste» Quant à la sensibilité de la question gay en Chine, Ben n’y voit pas de problème. «Si le spectacle avait eu lieu, nous aurions pu éduquer la population, éveiller les consciences. Je ne suis pas un activiste, je veux profiter de la vie et pouvoir parler avec les gens que je veux. Si un Mr Gay China avait été élu, il aurait été de sa responsabilité, et seulement de la sienne, de prendre des positions plus politiques. Si c’est moi qui avais été élu, poursuit-il en rigolant, j’aurais représenté une communauté de garçons intelligents, branchés et beaux.» Toujours est-il que Ben et ses amis ont décidé de faire un break, en commençant par ne plus organiser de soirée hebdomadaire au Lan, qui les a «peu aidés». Autres enseignements retirés: si un tel concours doit avoir lieu ce sera sans trop de renfort médiatique, et avec un «Plan B» en cas de problème…e en Chine. |
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