31/05/2010 Le secrétaire britannique au Trésor a reconnu qu'il avait fait passer en note de frais un loyer payé à son compagnon. Le scandale a contraint cet homme discret à faire un spectaculaire coming-out... et à quitter le gouvernement. Retour sur une carrière brisée par le secret. David Laws était l'étoile montante du nouveau gouvernement. Depuis sa nomination au portefeuille clé du budget, il y a moins de trois semaines, cet ancien banquier de 44 ans avait impressionné même les plus sceptiques par sa capacité à défendre son plan drastique de réduction de 7 milliards d'euros des dépenses publiques. Avec son CV de premier de la classe, David Laws semblait taillé sur mesure pour le job: Major de sa promotion en économie à Cambridge, fulgurante carrière à la City de Londres, vice-président de la banque d'affaires JP Morgan à 22 ans, millionnaire à 28 ans, Député libéral-démocrate à 35 ans, réélu sans discontinuer depuis 2001. Et enfin, en mai 2010 : secrétaire au Trésor dans le gouvernement de coalition conservateurs/libéraux-démocrates. Et pourtant, un minuscule grain de sable a fait dérailler ce parcours sans faute. Démission et coming-out télévisés Samedi 29 mai, dix-huit jours seulement après sa nomination, David Laws a annoncé sa démission du gouvernement, en reconnaissant avoir indûment perçu près de 50 000 euros en notes de frais et en rendant public le secret qu'il avait jusque-là mis tant d'énergie à cacher. Depuis neuf ans, David Laws vit avec un homme - ce qui n'a rien d'inédit à Westminster. Il n'a jamais dit à personne qu'il était homosexuel -il n'est pas le seul député à ne pas être sorti du placard. Mais son obsession à vouloir dissimuler sa vie privée l'a conduit à enfreindre les règles de défraiement des députés. Les membres du Parlement britannique ont le droit de se faire rembourser leurs frais de logement à Londres et autres dépenses diverses si leur résidence principale est déclarée en dehors de la capitale. C'est le cas de David Laws, domicilié dans sa circonscription de Yeovil, dans le sud-ouest de l'Angleterre. 50 000 euros indûment perçus Entre 2004 et 2009, il a donc déclaré un loyer d'environ 1 000 euros par mois pour la location d'une chambre dans les deux résidences successives de son compagnon James Lundie. Sans préciser qu'ils vivaient ensemble. Or, le règlement du Parlement est formel : depuis 2006, aucune note de frais ne peut être remboursée pour la location d'un bien appartenant à un «partenaire». L'affaire a été révélée jeudi 27 mai par le Daily Telegraph. Dans les 48 heures suivantes, David Laws s'est engagé à rembourser les 50 000 euros indûment perçus, s'est volontairement soumis à une enquête parlementaire et, finalement, a prématurément mis un terme à sa prometteuse carrière ministérielle. «Je ne vois pas comment je peux poursuivre mon travail crucial au budget, tout en gérant les conséquences privées et publiques des récentes révélations. Inutile de dire combien je regrette de devoir abandonner une tâche si vitale, à laquelle j'estime que j'ai été préparé toute ma vie. Mes récents problèmes ont été causés par mon désir de garder ma sexualité secrète. D'une certaine façon, j'ai mal agi, même si je n'en ai tiré aucun bénéfice financier.» Les déboires de David Laws sont d'autant plus surprenants qu'il a toujours joué les «Monsieur propre». Tous ses proches soulignent son intégrité. L'année dernière, au plus fort du scandale des notes de frais, lorsque certains députés avouaient piteusement avoir abusé des deniers publics pour financer des travaux de rénovation dans leurs résidences secondaires ou pour acheter des vidéos pornos, David Laws promettait de nettoyer les écuries d'Augias de la politique britannique. Le gouvernement de coalition de Cameron fragilisé Pris en délicatesse sur ses propres notes de frais, David Laws se trouvait dans une situation intenable pour aller réclamer des sacrifices aux fonctionnaires, afin de réduire l'abyssal déficit britannique de 184 milliards d'euros. Sa démission fragilise le gouvernement de coalition de David Cameron, à trois semaines de la présentation du nouveau budget. Plusieurs ministres, conservateurs comme libéraux-démocrates, souhaitent déjà ouvertement qu'il retrouve un portefeuille une fois la tempête passée. Comment David Laws a-t-il pu laisser sa carrière se briser pour 50 000 euros, une somme qui, pour un jeune retraité de la City comme lui, représente de l'argent de poche? Il n'est pas exclu que malgré sa fortune personnelle, il ait cherché, comme tant d'autres élus, à profiter d'un système qui a ouvert la porte à tous les abus et a sérieusement entaché la crédibilité de la classe politique britannique. La crainte pathologique d'assumer sa sexualité Mais il est également probable que l'éphémère secrétaire au Trésor ait été victime d'un syndrome qu'on croyait, en Europe, d'un autre siècle : la crainte presque pathologique d'assumer ouvertement sa sexualité. Cette obsession l'a conduit à cloisonner à l'excès vie publique et vie privée, au point de se mettre en délicatesse avec la loi. Trois jours avant sa démission, David Laws assurait encore sans ciller qu'il était célibataire. L'ex-banquier était tellement réservé que certains de ses plus proches collaborateurs ne connaissaient même pas son adresse. Ce brutal et très médiatique coming-out apparaît d'une certaine manière comme un immense soulagement pour David Laws, comme il l'a confié au Times : «Quand j'ai grandi, être gay n'était pas accepté par la plupart des gens, y compris beaucoup de mes amis. Tous les jours de la vie, j'ai donc dissimulé ce secret auprès de tous les gens que je connais. J'étais tellement déterminé à garder secrète ma sexualité que James et moi nous sommes comportés comme si nous étions juste de bons amis. [...] Il est temps de rétablir l'équilibre.» |
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