03/11/2010 Manvendra Singh Gohil vient de lancer un nouveau magazine gay qu'il a baptisé «Fun». Et à 45 ans, s'il continue de s'amuser, ce prince indien n'oublie ni de militer ni d'appeler son pays à accepter enfin les homosexuels. Portrait d'un homme libre qui a choisi de ne plus se cacher. Manvendra Singh Gohil réussit le tour de force d'incarner aussi bien le mythe d'une Inde royale et éternelle que la lutte pour la cause homosexuelle dans un pays très conservateur. À 45 ans, celui que les médias indiens appellent tous «le prince gay» assume pleinement les deux composantes de son surnom. «Je viens d'une dynastie fondée il y a six cent cinquante ans, dotée d'un riche héritage culturel», explique-t-il. Avec sa moustache bien taillée et ses tenues traditionnelles, coiffé d'un turban rouge pour les grandes occasions, Manvendra ne déroge pas à son rang. D'ailleurs, il vit toujours dans son palais de rajpipla, une petite ville du Gujarat, au nord-est de l'Inde. Là-bas, il se consacre à sa fondation, Lakshya trust, pour la prévention du sida chez les hommes bisexuels et homosexuels. et il vient de lancer Fun, un nouveau magazine destiné à la communauté gay. Un guitariste torse nu Sous les palmiers de Goa, lors de sa présentation à la presse fin juillet, Fun joue la carte du glamour. Le magazine semble sonner le début de la légèreté pour les gays indiens. «Pourquoi toujours montrer le corps des femmes comme un objet sexuel? Les hommes sont beaux également! Vous ne trouvez pas que c'est sexy, des fesses d'hommes?», nous demande le prince. En couverture du magazine, pas de derrière rebondi mais un beau guitariste au torse nu. Manvendra s'empresse de préciser: «Il n'y a aucun étalage de vulgarité, Fun n'est pas une publication obscène. Nous parlons de relations, de mode, de santé sexuelle, de produits de luxe.» C'est qu'il faut se prémunir contre la censure, et attirer les annonceurs. Car le lancement a été un véritable succès: deux semaines après la mise en vente, plus de 75% des exemplaires avaient déjà été écoulés. Pas de problème pour trouver des mannequins ni des publicitaires et l'entrée sur le marché s'est faite sans heurts: une telle opération aurait été inimaginable, il y a à peine plus d'un an. Avant le 2 juillet 2009, l'homosexualité était en effet encore passible de prison en Inde, jusqu'à ce que la Haute cour de justice de Delhi se prononce pour une dépénalisation. «Ce jugement a eu un impact considérable, estime Manvendra. Il a fait naître un débat dans la société indienne. Les médecins, les étudiants, les leaders spirituels, tout le monde s'est exprimé. Depuis, je vois une véritable culture gay émerger!», s'enthousiasme-t-il. Mariage arrangé Si maintenant le prince semble voir la vie en rose, qui est aussi la couleur de son palais et de toute la ville de Rajpipla - «mes aïeux devaient savoir qu'ils auraient un descendant gay!», se plaît-il à raconter -, il a connu des jours plus sombres. Il réalise à 12-13 ans qu'il est «différent» sans jamais entendre parler d'homosexualité. Il accepte un mariage arrangé à 25 ans, avant de divorcer un an plus tard. L'union ne sera jamais consommée. «Lors du divorce, ma femme m'a demandé de ne pas gâcher la vie d'une autre. J'ai décidé de ne pas me remarier», se rappelle-t-il. Des pressions familiales et une dépression plus tard, il trouve la force de dire la vérité sur son orientation sexuelle à ses parents. Il se souvient: «Tant que cela restait secret, ils acceptaient.» Candidat à une émission de télé-réalité «Je sais que certains princes indiens sont homosexuels. Ceux-là ont peur que je les fasse sortir du placard!» Arrive la rencontre avec Ashok Raw Kavi, le premier militant gay en Inde. C'est lui qui donne la force au prince de faire son coming out public, en 2006, dans les pages d'un journal régional. À l'époque, sa déclaration fait évidemment scandale. Ses parents vont jusqu'à le déshériter, avant de se rétracter. Manvendra se souvient même que d'autres descendants de familles royales indiennes (elles sont nombreuses dans le pays) se sont effrayés de son courage. «Je sais que certains sont homosexuels et ils savent que je suis au courant. Ceux-là ont eu peur que je les fasse sortir du placard!», s'amuse-t-il aujourd'hui. Mais de son propre aveu, c'est Oprah Winfrey qui l'a rendu célèbre. Invité sur le plateau de la présentatrice américaine en octobre 2007, le prince raconte sans tabou son expérience. Il est ensuite invité à l'Europride de Stockholm, puis à la Marche des fiertés de São Paulo, et il participe même à une téléréalité en Angleterre, Undercover Princes. Le concept: trois princes étrangers devaient travailler incognito à Brighton et tenter de trouver l'amour. Manvendra conserve un excellent souvenir de l'émission: «J'ai fait des choses complètement nouvelles pour moi: traverser la rue tout seul, faire la vaisselle, nettoyer les toilettes!» Son aventure avec un britannique se soldera par une rupture, et après deux autres brèves histoires, Manvendra se retrouve aujourd'hui célibataire. Un Français? Il ne serait pas contre... D'ailleurs, il a un message à faire passer : tous les lecteurs de TÊTU sont invités dans son «Pink Palace». Si, si, c'est vrai. |
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