15/03/2011 Un mois après la chute de Moubarak, la situation des LGBT reste floue sur les bords du Nil. Et dans ce pays très conservateur, où une grande partie de la société n'est que peu ou pas éduquée, rien ne garantit que le vent de liberté souffle jusqu'à la communauté homosexuelle. Depuis un mois, les Egyptiens se laissent aller à imaginer leur avenir. Evoquer celui des gays et lesbiennes d'Egypte ne semble pourtant pas à l'ordre du jour. Karim se décrit comme un activiste gay de 29 ans. Il milite sur Internet et à participé aux manifestations de la place Tahrir au Caire, mais en gardant son homosexualité sous silence. «Je ne crois pas que la situation des gays s'améliore après la révolution, confie le jeune homme. Même si en Egypte il n'y a pas les mouvements radicaux d'Arabie Saoudite par exemple, il s'agit d'une culture ancestrale, très traditionnelle et conservatrice. L'homosexualité est encore souvent associée à la pédophilie ou à un comportement sexuel bestial.» Se brûler au briquet Même dans les milieux intellectuels, le sujet semble souvent devoir rester tabou, selon le jeune homme. Sur son lieu de travail, Karim considère ses collègues comme «des intellectuels» avec qui la discussion est libre: «On peut parler sans problème de politique, de religion, de liberté de conscience. Mais prononcer le mot "homosexuel" reste impossible», regrette-il. Il garde aussi le souvenir de la première fois qu'il a parlé de son homosexualité, face à un psychologue. «Quand j'ai évoqué cette question, il m'a répondu que je devais me convaincre d'être hétérosexuel. Le traitement qu'il me proposait était de commencer de me brûler avec un briquet dès qu'une pensée homosexuelle me traversait l'esprit. Bien sûr, je ne l'ai pas fait!» Dans son militantisme sur la toile, Karim multiplie les mesures de prudence (changement régulier de pseudo, anonymat total, etc.) La communauté garde le souvenir des mesures de répression du début des années 2000 quand les autorités s'étaient notamment servi du web. Plus généralement c'est une grande partie de la population qui reste imprégnée de l'atmosphère de l'époque. Mépris des droits de l'homme Le 11 mai 2001, c'est avec l'affaire du «Queen Boat» que le climat se durcit. Le régime fait arrêter et mettre en prison 52 hommes censés se trouver à bord de ce bateau-discothèque connu comme lieu de rencontre homo. S'en suivent deux procès très médiatisés au mépris des règles élémentaires de respect des droits de l'homme. Jusqu'en 2004, les poursuites à l'égard des membres de la communauté homosexuelle se poursuivront. A cette époque, les protestations sont assez fortes sur la scène internationale, mais en Egypte, le consensus est large. Hossam Baghat a été exclu de l'organisation égyptienne des droits de l'homme pour avoir protester contre ces procès. Dans ses écrits, il a tenté d'expliquer l'absence de mobilisation: «L'assaut du 11 mai s'inscrit dans l'effort du régime pour se présenter comme le gardien de la vertu publique pour contrer le mouvement islamiste des Frères Musulmans, explique le chercheur qui vit aujourd'hui aux Etats-Unis. Mais au lieu de jouer un rôle d'avant-garde, la plupart des organisations de défense des droits de l'homme égyptiennes ont choisi de suivre le courant pour ne pas être critiquée dans les médias. Plus encore, beaucoup d'activistes des droits de l'homme ont spontanément exprimé des opinions homophobes dans la presse. Interrogé au sujet des droits des homosexuels, le dirigeant d'une association légale de charité a parlé de la «ligne rouge» que les groupes de défense des droits de l'homme ne peuvent franchir dans leur lutte pour les libertés civiles.» Encore 50 ans! Aujourd'hui, si les campagnes de répression systématique ont cessé, la lutte pour la défense des droits de la communauté LGBT reste en sommeil selon Karim: «Pour l'instant, on est très loin d'un mouvement revendicatif, explique le militant. La communauté gay n'existe d'ailleurs pas vraiment. Pour beaucoup, l'homosexualité se limite à quelques relations secrètes en marge d'une vie d'homme marié. Ils ne sont pas prêts à défendre une identité. Et encore moins leurs droits. Si, par chance, notre pays s'engage vers la démocratie, j'ai parfois l'impression qu'on ne pourra pas aborder des sujets comme les discriminations à l'égard des homosexuels avant 50 ans!» regrette Karim. Pour la communauté LGBT, l'avenir semble donc moins éclaircit qu'en Tunisie. Dans ce pays, après le départ de Ben Ali, elle s'est manifestée au grand jour. Mais là aussi, tout n'est pas rose. Portés par le mouvement de libération, des internautes ont appelé à l'organisation d'une première marche des fiertés à Tunis en juin. Ils ont dû renoncer. «Nous avons reçu des menaces, explique Simone Mizrahi. Certains participants nous ont gentiment demandé d'annuler l'événement. L'événement est donc suspendu. Pour l'instant!» |
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