28/01/2012 DANS LE VESTIAIRE DES FILLES. L'ancienne n°1 mondiale de double ouvertement lesbienne Rennae Stubbs est l'une des voix qui se sont élevées contre les commentaires homophobes de l'ex-championne Margaret Court. TÊTUE a rencontrée l'Australienne à Melbourne. Rennae StubbsÀ Melbourne Park, il n’y a pas que l’identité de la nouvelle n°1 mondiale, connue à l’issue d’une finale de vraies championnes (Sharapova et Azarenka) au terme d'un Open d'Australie où le tennis féminin a enfin semblé retrouver ses lettres de noblesses, qui a fait parler. Les récentes positions disons très... conservatrices, pour rester politiquement correctes, de Margaret Court ont elles aussi pas mal défrayé la chronique. Parce que l’un des courts principaux de l’Open d’Australie porte son nom, parce que des militants LGBT ont décidé de déployer des rainbow flags dans l’enceinte sportive, parce que la jeune Britannique Laura Robson a porté un chouchou arc-en-ciel en signe de soutien, parce que d’anciennes championnes, dont la grande Martina Navratilova, ont manifesté une nouvelle fois leur désaccord à haute voix. Mais aussi et surtout, peut-être, parce que Rennae Stubbs, ancienne n°1 mondiale de double, out, australienne elle aussi, a profité de ses fonctions de commentatrice sur Channel 7 pour monter au créneau avec conviction. Et se faire la porte-parole des militants du droit au mariage entre personnes du même sexe. Une porte-parole très écoutée, puisque la Fédération australienne de tennis, à l’instar de la WTA, s’est désolidarisée de Margaret Court. C’est à une table du restaurant des joueurs que TÊTUE a retrouvé Rennae Stubbs pour évoquer «l’affaire». TÊTUE. Quel a été votre premier sentiment lorsque vous avez pris connaissance des déclarations de Margaret Court? Rennae Stubbs. De la déception. Oui, je crois que c’est vraiment le mot qui correspond le mieux à ce que j’ai ressenti sur le coup. Mais dans un pays démocratique, tout le monde a droit à la liberté de parole. Margaret a le droit d’avoir ses opinions et moi j’ai le droit d’avoir les miennes, c’est ça qui fait que nous sommes un grand pays. Mais... oui, j’ai été déçue. C’est exactement ça. Parce qu’elle a été une championne extraordinaire? Parce qu’en tant qu’Australienne, elle était un modèle pour vous? C’est clair que je l’ai toujours admirée. C’est quelqu’un que je suivais, sur qui j’ai essayé de prendre exemple pour ne serait-ce que réussir un centième de ce qu’elle a accompli dans sa carrière. J’ai essayé de m’inspirer de la moindre chose qu’elle a faite en tant que sportive et... (sourire) je ne m’en suis même pas approchée un peu. Lorsque des gens que vous admirez vous donnent le sentiment de vous mépriser, ça n’est jamais une sensation agréable. Pour moi en tout cas. Avez-vous eu l’occasion d’en parler directement avec elle depuis? Non. Encore une fois, une opinion est une opinion. Mais pour moi, l’égalité est la chose la plus importante qui soit. Il ne s’agit pas d’une dispute avec Margaret. Il s’agit d’une bataille pour l’égalité des droits, et pas seulement en Australie. Ce à quoi j’aspire c’est que les législateurs n’aient que l’égalité en tête lorsqu’une question comme le mariage entre personnes de même sexe est discutée. Et quand je parle d’égalité, je ne parle pas seulement des droits des homosexuels mais de tout le monde. C’est là que se trouve le combat. Et encore, je ne parlerais pas de «combat» mais de changement philosophique dans la façon de penser des gens. Margaret est un tel personnage public en Australie! Aujourd’hui, j’ai moi-même une plateforme pour m’exprimer et selon moi, lorsque nous sommes en vue nous nous devons d’exprimer des choses positives. Vous voulez dire que vous vous sentez un devoir en tant que personne publique ouvertement homo? Au départ, je ne voulais même pas parler de tout ça. Parce que je ne voulais pas donner le sentiment d’être contre Margaret ou contre quiconque ayant des opinions différentes des miennes. Mais d’un autre côté, j’ai la chance d’avoir deux semaines pendant l’Open d’Australie pour mettre sous les projecteurs la question de l’égalité des droits et participer au débat. Alors j’ai pensé que c’était l’occasion pour moi d’exprimer notre besoin d’égalité dans le monde entier. Que pensez-vous du mouvement en faveur du changement de nom de la Margaret Court Arena, l’un des courts principaux de Melbourne Park? (Sans hésiter) Je ne soutiendrai jamais ça. Margaret est notre plus grande championne de tennis. Elle a gagné plus de titres du Grand Chelem que Rod Laver, dont le nom est le symbole du court central ici. Alors non, je ne voudrais jamais ô grand jamais (elle insiste) que cela se produise. Si son nom a été donné à un court, c’est en raison de ses exploits sportifs. Mais je crois aussi que lorsque votre nom est associé à des choses, vous avez un devoir public envers le peuple. Et le peuple inclut les gays et les lesbiennes. Ce que Margaret doit comprendre, c’est que lorsqu’elle fait des commentaires publics cela peut être extrêmement blessant pour beaucoup de personnes. Il y a six ans, alors que vous étiez encore en activité, votre coming out a-t-il été aisé? Je suis heureuse de l’avoir fait. Je n’ai jamais voulu avoir à cacher qui j’étais. J’étais qui j’étais. J’ai répondu à un journaliste qui m’a posé la question et je me suis dit que c’était peut-être le bon moment. (elle s’anime) Mais je ne vois pas pourquoi on doit faire son coming out! Les hétéros ne font pas le leur. Ils n’ont jamais à parler de ça. Alors que les homos si. Soit qu’on vous le demande, soit que l’on en parle dans votre dos. Aujourd’hui, si vous tapez mon nom dans Google, la première chose qui ressort, c’est ça? Très bien, je m’en fiche! Les gens qui m’emploient aujourd’hui le font en connaissance de cause. Et je me sens tellement bien! Pensez-vous que cela soit plus facile pour des joueuses de dire leur homosexualité aujourd’hui? Regardez Amélie (Mauresmo)! Elle aussi est très heureuse. Et c’est important que des personnes qui se posent la question de faire ou non leur coming out comprennent que, même si cela peut être un chemin long et difficile, à l’arrivée, c’est bien plus sain pour elles. Certaines ont très peur que des sponsors les abandonnent, mais je pense que les temps changent et que les entreprises se rendent comptent qu’elles doivent s’adresser à tout le monde. C’est encore très difficile et cela le sera jusqu’à ce que tous les gouvernements démocratiques du monde disent que l’égalité, c’est effectivement l’égalité à tous les niveaux. Mais jusqu’à ce que cela se produise, il y aura sans doute encore beaucoup d’homos qui se cacheront. Le mariage homosexuel fait pas mal parler en Australie en ce moment... Nous sommes un pays très démocratique, très libéral sous certains aspects, mais ce qui me surprend énormément c’est que nous, les Australiens, qui sommes connus comme des gens très ouverts, aimants et heureux, nous n’ayons pas encore ce droit au mariage pour tous. Les choses avancent et je pense que nous y arriverons un jour. Toute la question est de savoir quand. |
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