06/06/2012 Il y a quinze jours une conférence universitaire était censée présenter le travail de l'écrivain. On apprend qu'elle n'a pas pu avoir lieu suite à la pression de manifestants islamistes. Contacté par TÊTU.com, Abdellah Taïa se veut optimiste. «Même si ce qui se passe en ce moment est très dangereux, ces signes d’exacerbation montrent qu’au fond un vrai changement est en train de s’opérer dans le monde arabe. Et c’est justement cela que ces manifestants veulent arrêter.» Contacté par TÊTU.com hier, le célèbre écrivain Abdellah Taïa - connu pour avoir remporté le «Prix de Flore» en 2010, mais aussi pour avoir été le premier écrivain marocain à révéler son homosexualité en 2009 - se montre très optimiste. Pourtant, vendredi 18 mai dernier, lendemain de la Journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie, une présentation autour de ses textes était organisée à la faculté des Lettres d’El-Jadida, au sud de Casablanca au Maroc. Le colloque a finalement dû être annulé sous la pression d'un groupe de manifestants islamistes. «L’université n'est pas pour les homos» «C’était une des premières fois qu’un universitaire devait tenir une conférence sur mes textes dans une fac au Maroc, nous explique Abdellah Taïa. En l’occurrence, il s’agissait d’un professeur belge qui étudie à l’université de Miami. Je n’étais pas sur les lieux ce jour-là, mais ce prof m’a écrit pour me dire qu’il y avait eu des manifestations d’islamistes, d'étudiants et de professeurs. Ces derniers l’ont empêché de faire sa présentation.» Le site Yabiladi, qui a été l'un des premiers médias francophones a relayer l’information, nous donne un aperçu des slogans derrière lesquels manifestait le groupe: «L’université est pour les étudiants et non pour les homosexuels», «Les grands perdants seront nos enfants qui sont l’avenir de notre pays», «C’est une honte de voir l’université ainsi en train de mourir». Ou encore «Comment peut-il prêcher la liberté, la noblesse et la droiture alors qu’il est lui-même sujet à une déviance sexuelle des plus basses et des plus ignobles?» Choqué? Surpris? L’auteur, que vous pouvez par ailleurs lire chaque mois dans le magazine TÊTU, nous répond par la négative: «Non, car je suis Marocain, arabe, musulman et homosexuel, donc depuis tout petit je m’attends à tout moment à ce qu’il y ait quelqu’un qui se lève et qui me dénie le droit d’exister. Maintenant, ce qui a eu lieu là va au-delà de moi: à l’échelle de ce qui se passe dans le Maroc et dans le monde arabe en général depuis le début du printemps arabe, tout ça a un sens. Il y a eu récemment d’autres manifestations de la part de personnes qui se disent ‘‘dans la vérité musulmane’’. Ils manifestaient contre d’autres gens - qui ne sont pas forcément homos - pour dire ‘‘ça, ce n’est pas l’islam’’. Le gouvernement étant islamiste maintenant au Maroc (depuis janvier, ndlr), ce genre de choses, qui étaient de l’ordre de l’impensable avant, devient possible.» «Pas de censure» Les sites Yabiladi et SlateAfrique s’insurgent de ne pas avoir eu vent de l’information plus tôt. «Il n’est pas question de censure, selon Taïa. Je sais qu’il y a eu des réunions, que le recteur de l’université d’El-Jadida a décidé d’élaborer un rapport, et donc ça a pris un peu de temps avant de remonter jusqu’à la presse. Au Maroc, on en parle depuis vendredi dernier seulement.» Et SlateAfrique de rappeler que dans ce pays, l’homosexualité est un délit parfois puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende, d’après l’article 489 du code pénal qui fait mention d'«actes licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe». |
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