24/10/2012 Quatre ans après sa naissance, le webzine LGBT jordanien s’offre un lifting. Le nouveau «My.Kali» veut mélanger les genres et faire évoluer les mentalités. Nouveau site internet, nouveau logo et nouvelle ligne éditoriale: My.Kali, le premier et unique magazine LGBT de Jordanie, vient de faire peau neuve. Le dernier édito annonce la couleur: «My.Kali combat les normes répressives et les stéréotypes», tout types de stéréotypes. Lancée il y a deux mois, la nouvelle version inclut toujours les LGBT. Mais elle s’ouvre aux droits des femmes, aux sujets de société en tout genre, à la photographie, la mode ou la psychologie. Pour comprendre ce changement, il faut revenir à l’été 2011. Le magazine organise un photoshoot décalé lors duquel Khalid, le jeune rédacteur en chef, pose en slip devant une mosquée. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour susciter la polémique dans la très religieuse société jordanienne. Khalid insiste et pose à nouveau en slip, perché sur des talons hauts, pour un magazine américain. Ses parents, qui l’ont soutenu jusque là, ne comprennent pas cette provocation. «Ils ont exigé que je change My.Kali. Si je refusais, je perdais ma famille.» En mini-jupe en pleine rue Khalid est prêt au compromis. Il accepte de ne plus dépasser plus les bornes, mais de là à devenir sage… A l’été 2012, il organise un photoshoot avec l’actrice américano-libanaise Jana Zenadeen, et lui demande de poser en mini-jupe en pleine rue, sous le regard des femmes voilées. «Vacarme vulgaire!», titre My.Kali, qui interroge l’actrice sur le féminisme, la possibilité que l’un de ses enfants soit homo, ou encore le mariage pour les couples de même sexe. Un message d’ouverture pour ses fans qui liront l’article, espère le rédacteur en chef. Car l’objectif de la nouvelle version, c’est de faire tomber les barrières, «d’inviter les hétéros dans notre monde». Pour illustrer son propos, Khalid prend l’exemple du Books@café. «C’est LE point de rendez-vous des gays à Amman. Mais depuis peu, les hétéros s’installent sur la terrasse à l’avant, et les homos restent sur la terrasse du fond. Je déteste ce cloisonnement.» Le nouveau My.Kali se veut ouvert à tous, tant que règne la tolérance. Et sur ce sujet, il reste des progrès à faire. Certes, l’homosexualité est légale ici, mais le contexte régional est anxiogène: «En Irak, les homos se font tuer, en Iran ils sont pendus, en Egypte ils disparaissent, au Liban ils sont arrêtés sans raison.» «Les gens ont eu peur!» Khalid se souvient du jour où les journaux jordaniens ont pour la première fois parlé d’homosexualité. C’était en octobre 2007, avant la naissance de My.Kali. Il a alors 18 ans et pose torse nu pour faire la promotion de la soirée de lancement d’un magazine LGBT. Les médias reprennent l’information et publient sa photo. «Les gens pensaient que les homos étaient en train de faire leur révolution!» Effrayée, l’équipe annule le magazine et la soirée. En février 2008, la situation s’est calmée, et l’idée de relancer un magazine LGBT refait surface. Khalid prend part à l’aventure, et propose le nom «My.Kali». Kali, c’est son surnom. Le possessif, c’est une manière de s’affranchir de sa mère, envahissante, et de lui signifier qu’elle ne posera pas ses mains sur le magazine. C’est aussi un moyen pour les lecteurs de s’approprier la revue. Visibilité Petit à petit, le site gagne en visibilité et incite d’autres bloggeurs à témoigner. Aujourd’hui, My.Kali reçoit environ 1.000 visiteurs par jour, un nombre qui augmente tous les deux mois, à chaque nouveau numéro. Le travail est assuré par une trentaine de personnes, rédacteurs, photographes, maquilleurs ou graphistes, toutes bénévoles et la plupart étudiantes, à l’image de Khalid qui, à 23 ans, termine ses études de graphisme. Une fois diplômé, Khalid veut «faire de My.Kali un véritable business»: trouver des sponsors, rémunérer ses collaborateurs, s’installer dans un bureau… Fan inconditionnel de magazines, Vogue en tête, Khalid sait que l’avenir de sa revue ne passera probablement pas par le papier glacé. «On consacre déjà tout notre temps au site, une version imprimée nous demanderait deux fois plus d’efforts! Pour le moment, le web est notre meilleure option.» Reste que rien ne vaut l’odeur d’un bon magazine… D’où la passion de Khalid pour les vieux numéros de Vogue qu’il déniche dans les librairies du centre-ville, source d’inspiration pour continuer à faire évoluer My.Kali. |
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