07/11/2012 INTERVIEW. L'ex-capitaine de l'équipe de France de football s'apprête à partir en congé parental. Car sa compagne va donner naissance à un fils. Hasard du calendrier, l'accouchement est prévu pour demain, jour de présentation du projet de loi sur le mariage et l'adoption pour tous. Ironie du calendrier des plus parfaites, ce mercredi 7 novembre, alors que le projet de loi sur le mariage et l'adoption pour tous les couples sera présenté en conseil des ministres, Ingrid, la compagne de Marinette Pichon, donnera naissance à un fils. Le deuxième du couple. Avant que l'ex-footballeuse n'entame un congé parental accordé par son employeur, le Conseil général de l'Essonne. À quelques heures de l'heureux événement, l'ex-footballeuse, meilleure buteuse de l'histoire des Bleues, a partagé bien volontiers avec TÊTUE son bonheur de jeune-presque-maman. Sans langue de bois - à l'image du franc-parler qu'elle a pratiqué toute sa carrière - l'ancienne internationale de 36 ans a également réaffirmé ses attentes vis-à-vis du gouvernement. Le droit au mariage et à l'adoption, ce doit être maintenant, explique-t-elle. Entretien sans concessions. TÊTUE: Marinette, comment vous sentez-vous dans cette dernière ligne droite avant la naissance de votre fils? Marinette Pichon: Je suis excitée! Je suis impatiente! J'ai hâte de le voir, je me demande à quoi il ressemble. Oui, je suis excitée parce que je me dis, voilà, ça a été cinq ans d'une démarche, cinq ans d'un parcours un peu semé d'embûches où la nature a finalement décidé de nous sourire. Vous parlez d'embûches: vous avez effectivement vous-même tenté l'insémination six fois, sans succès, puis votre compagne a pris le relais, a elle aussi essuyé cinq échecs par insémination artificielle, avant que la quatrième tentative in vitro ne soit la bonne. Votre parcours en Belgique est celui, finalement, de pas mal de couples de femmes... On n'est pas les seules, c'est sûr... Déjà parce qu'il y a cette interdiction en France d'avoir un enfant légalement, donc tu es obligé de t'expatrier, et après il y a tout ce qui est psychologique, physique, financier, professionnel, quand tu dois te libérer une semaine, deux semaines, c'est compliqué. Maintenant (sourire) quand arrive le jour où on t'appelle - c'est marrant, pour nous, c'était le 8 mars, Journée de la Femme, tiens! - pour te dire «Félicitations, c'est bon!», tu chiales. Moi, j'ai appelé ma femme, j'étais en pleurs. (Pause). Je vais être maman, quoi! Je n'arrive pas à me rendre compte. J'ai pourtant un grand (Maxime, le fils de sa compagne qui a aujourd'hui 19 ans, NDLR) mais je ne l'ai pas eu petit donc je ne me rends pas compte. Là, je vois bien la chambre, je vois bien le mobile, je vois bien le lit mais maintenant, il me faut du concret... Donnez-le moi, mon fils (rires)! «Je ne vais pas demander une approbation pour aimer ma femme!» Le fait de se sentir soutenue par sa hiérarchie, notamment au travers du congé parental que vous avez obtenu, cela doit être un motif de satisfaction supplémentaire? Au-delà du congé parental, dans un premier temps, il y a quand même eu mon directeur, Dominique Lebreton, qui est un homme exceptionnel. Nous lui avons toutes les deux demandé un rendez-vous, car ma compagne travaille aussi au Conseil général, son bureau est au bout du couloir! On lui a expliqué qu'on voulait agrandir la famille et qu'on voulait un bébé, et que cela allait probablement susciter des absences à répétition. Il nous a dit: «Les filles, foncez, je serai derrière vous.» Il a été top. Je l'appelais pour lui dire: «Dom, on part demain en Belgique», il disait «Bon ben, reposez-vous bien!», quand on se prenait des claques dans la tronche, il disait «Bien, on va gérer ça comme défi, on va se remettre au boulot»... Le mec était vraiment génial, quoi! Outre la position de mon président (du Conseil général, ndlr) Jérôme Guedj, il y a vraiment de l'humain dans la démarche. Tu ne vis pas les choses de la même façon quand tu es entourée comme ça. Tu es zen. Et avec vos collègues? Super! À chaque fois qu'on faisait une tentative, ils nous demandaient comment ça s'était passé et ils n'avaient qu'une envie: que ça marche pour nous. C'est marrant parce que quand France Télévisions est venu (pour un sujet dans le Journal de 20 heures, NDLR), ils ont exprimé des choses que je ne soupçonnais pas (sourire). Et ça m'a touchée. Limite, j'avais la larme à l'œil. Parce que finalement, on ne discute pas tellement de nos projets de vie et là, je me suis rendu compte qu'ils étaient à fond derrière. Regardez le reportage réalisé il y a quelques jours par France 2 pour le Journal de 20 heures: Avec cette naissance programmée ce mercredi, vous collez en plein à l'actualité... (Elle rit) Ah ça, on est en plein dedans! Mon fils va naître le 7, le jour où le projet sur le mariage pour tous est présenté... et je peux vous dire qu'il a intérêt à aller au bout, Hollande, sinon, il va entendre parler de moi! Il doit tenir ses promesses. Vis-à-vis de toute la population qui l'a soutenu pendant la campagne, il s'est positionné. Si aujourd'hui il faisait marche arrière, moi, je me sentirais trahie. Et la PMA, si elle n'est pas légalisée, des couples continueront à s'expatrier, il ne faut pas se leurrer. Vous vous attendiez à ce que votre histoire soit autant médiatisée? Ah ben, faire la première page du Parisien, non, je ne m'y attendais pas (sourire)! En plus, on est quand même beaucoup à s'assumer comme ça. On aime une femme, on aime un homme, on est heureuse comme ça, on est heureux, on vit notre bonheur, on emmerde les gens. Moi j'emmerde les gens: tu n'es pas d'accord, tu changes de trottoir et puis tu ne viens pas me faire ch... ! J'ai toujours été comme ça. J'ai un franc-parler qui peut déranger, mais c'est comme ça. Je ne vais pas demander une approbation pour aimer ma femme! Ce que je veux, c'est être bien dans mes pompes et que mon fils soit bien dans ses pompes. Maxime, il est bien, il est équilibré, il a l'amour de deux parents, c'est tout ce qui compte. Mais non, je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait autant de retombées médiatiques... Pendant trois jours, je croulais sous les demandes. J'ai refusé RMC, Zone Interdite... Mais je suis contente, ça permet de pousser. C'est mon nom: eh bien tant mieux si cela peut aider à porter notre cause. Vous assumez totalement ce rôle de «modèle» médiatique? J'ai plein de filles qui m'envoient des mails, j'échange avec elles. Elle me disent: «C'est chouette», «C'est super ce que tu fais»... Tant mieux si je peux aider. Si ma petite contribution peut faire avancer les choses, via mon témoignage ou des apparitions, je le ferai avec grand plaisir. Tout simplement parce que j'estime que c'est un droit. Un droit qu'on mérite, une légalisation de notre amour et des valeurs que l'on porte au même titre que les autres. Et puis, j'en ai marre qu'on me compare à d'autres! Je n'ai pas besoin de me comparer à Pierre, Paul, Jacques: je suis équilibrée. Et c'est ça qui m'agace. Que ces hommes de loi, ces politiciens, ces hommes d'église, viennent remettre en question un éventuel équilibre de la personne ou de l'enfant au sein d'un couple, ça me gave. Et je le dis clairement: je suis catholique. Lesbienne et catholique. Je suis baptisée, j'ai fait ma communion, je prie tous les soirs. Sauf qu'à un moment, j'ai beau respecter et aimer ma religion, je ne peux pas laisser dire ça. Prochaine étape pour vous, le mariage? J'espère! Je discute toujours avec mes «potos» qui sont proches du gouvernement, et notamment directement de François Hollande, et je leur répète: «Tu diras bien à notre ami le Président qu'il faut qu'il tienne ses engagements.» À chaque fois que je les ai au téléphone, ils me disent «ne t'inquiète pas» avant de m'envoyer un texto: «C'est prévu le 7, c'est prévu le 7!». J'espère que ça va être acté. Et encore une fois, au-delà du positionnement des fameux politiciens ou des hommes d'église qui ne comprennent rien à l'amour. Les Boutin, les machins, qui ne comprennent rien, moi je leur dis: «Mais venez chez moi vivre une semaine!» «Ah, ben vous êtes comme les autres?» «Eh bien oui!» |
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