14/11/2012 INTERVIEW. A 50 ans, Paola Concia est la seule députée ouvertement lesbienne du Parlement italien. Après plusieurs propositions de loi, toutes avortées, elle mise sur les législatives du printemps 2013 – scrutin le plus important en Italie – pour que les LGBT transalpins obtiennent, enfin, des droits. Hors normes, tout l'est, chez Paola Concia : sa voix grave et éraillée, ses cheveux poivre et sel depuis déjà longtemps, son courage et son charisme. Ancienne prof de tennis, «la Concia», comme on l'appelle en Italie, détonne par son franc-parler, aussi bien envers la droite et l'Église catholique qu'envers ses collègues de gauche du Parti démocrate (PD). Son superhéros préféré? Wonder Woman. Et peut-être aussi Angela Merkel, dont le portrait et le décolleté plongeant trônent sur un mur de son bureau... à moins que ce ne soit une private joke entre elle et sa compagne, Ricarda, criminologue allemande qui partage sa vie depuis 2008 et avec qui elle s'est unie à Francfort en août 2011. Son cheval de bataille? Obtenir l'égalité des droits pour les LGBT italiens. TÊTU l'a rencontrée. TÊTUE: Que représente pour vous le fait d'être la seule députée ouvertement lesbienne d'Italie? Paola Concia: C'est un poids énorme. Mais, dans les faits, ce n'est pas une bataille que je mène seule. D'autres membres de mon parti y participent, ainsi que des personnes d'obédience politique différente au sein du Parlement. Vous pensez être un exemple pour les jeunes italiens? C'est en tout cas ce que j'ai toujours essayé d'être. Et je le vois dans les lettres qu'ils m'écrivent, ainsi que quand ils me rencontrent dans la rue. C'est normal: n'importe qui d'autre à ma place aurait été un modèle. Est-ce que l'engagement du Parti démocrate pour les droits des LGBT vous satisfait? Nous sommes de plus en plus nombreux à mener ce combat, parmi les leaders du parti ou les militants et électeurs. Mais je pense que mon parti doit faire un pas en avant, avoir plus de courage pour se confronter à ces thèmes et, surtout, donner des réponses sur le plan législatif. Il doit prouver sa détermination. Quelle est la priorité sur le plan législatif? Il y en a au moins quatre: une loi qui reconnaisse les unions homosexuelles; une loi contre l'homophobie et la transphobie; une loi sur l'homoparentalité; et une loi qui modifie celle sur le changement de sexe pour les transsexuels, qui est très vieille. Ce sont quatre points législatifs qui ont été adoptés dans d'autres pays, il y a dix, voire vingt ans. Même en France, les choses sont en train d'aller plus loin! Comment expliquez-vous que la situation ait si peu évolué jusque-là? En Italie, il y a une soumission absolue de toutes les forces politiques à la hiérarchie de l'Église - et non pas aux catholiques en général, car ce n'est pas la même chose. Mais la responsabilité, elle, est politique, pas ecclésiastique, même si on a un pape obsédé par l'homosexualité et les libertés féminines... Nous avons une Constitution qui permet une autonomie des institutions politiques et religieuses, mais elle n'est pas respectée, et c'est de la faute à la classe politique. Le pape, lui, fait son métier. Comprenez-vous la peur de ceux qui redoutent un fiasco similaire à celui du Dico, c'est-à-dire une loi censée combler un vide énorme, mais qui a déçu tout le monde en étant très en dessous du pacs français, et finalement pas appliquée? Je fais partie de ces gens. Il faut penser à d'autres modèles. Pour moi, l'objectif c'est le mariage, et tout ce qui établit une égalité entre homos et hétéros. Mais ce n'est pas l'objectif de tous, même à gauche, même au sein du Parti démocrate... C'est pour ça que c'est une bataille! Et pour ce qui est de mon parti, le mariage pourrait devenir l'objectif, puisque nous voulons être progressistes. Nous sommes face à un grand besoin de changement, les élections législatives doivent répondre à cette attente. Les autres partis de gauche n'ont pas été plus courageux, mais le PD est le plus grand parti du centre gauche, donc il a une responsabilité en plus. Cette année le slogan de la gay pride de Rome était «Nous voulons tout». Comment le comprenez-vous? Nous sommes tellement en retard qu'il est plus difficile d'aller en avant progressivement. Ne rien avoir et tout vouloir, c'est une réaction naturelle. Ma grande peur, c'est que cela aboutisse à ne rien vouloir de précis. Cette radicalisation, c'est un sentiment que je comprends, mais j'essaye de ne pas me laisser dépasser par ça. Il y a une grande frustration parmi les homosexuels et transgenres italiens... Vous ne vous sentez jamais découragée? Si je me sentais découragée, je ne pourrais même plus faire un pas en avant. Non, je ne peux pas me le permettre. |
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