05/12/2012 ENQUÊTE. Une photo postée sur Facebook il y a quelques jours, sur laquelle on distinguait un groupe d'hommes arrêtés a donné l'alerte. La légende les décrivait comme des hommes du «troisième sexe» pratiquant des actes sodomites... Pendant une semaine, une photo postée sur la page Facebook d’une brigade de Tripoli en Libye a soulevé les inquiétudes. On y voyait douze hommes, debout, la tête recouverte d’un tissu et les mains collées au mur, arrêtés. Une semaine après, jeudi 29 novembre, ils auraient été relâchés. La légende les décrivait comme des hommes du «troisième sexe» «pratiquant des actes de Lot» (des actes sodomites). Selon la légende de la photo, les hommes auraient été appréhendés dans la soirée du jeudi 22 novembre alors qu'ils participaient à une soirée dans une propriété privée de la banlieue de Tripoli. Mutilation et exécution Un groupe de «Force de dissuasion spéciale», dont le nom est inscrit sur les photos, aurait été à l’origine de l’arrestation. Cette unité de «dissuasion» appartiendrait à la brigade Nawassi, elle-même dépendante du Comité de Sécurité Suprême, un regroupement de milices sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur. Les commentaires associés à la photo menaçaient les douze hommes de mutilation et d’exécution. Une deuxième photo montrait un homme torse nu, de dos, avec un tatouage au henné et la même mention en haut à droite «Force de dissuasion spéciale». Un des commentaires demandait aux miliciens: «Tuez-les, tuez-les, tuez-les.» Erreur de communication Rencontré dans un café de Tripoli, Hadi (tous les prénoms ont été modifiés pour des raisons de sécurité), un jeune homo, et ses amis, connaissent huit des hommes arrêtés. Ceux-ci sont originaires de Tripoli tandis que les quatre autres sont de Garyan, au sud. Selon Hadi, c’est lors d’une patrouille de routine que l’attention de la brigade aurait été attirée. Appelé pour tapage nocturne, un membre de la brigade repère une femme à l’extérieur de la propriété. Voulant procéder à un contrôle, les hommes de la brigade pénètrent les lieux. Entre temps, la femme (en fait un des invités travesti) s’est changée. Les hommes de la brigade Nawassi interrogent les invités et les arrêtent. Pourtant, dans une interview donné au journal en ligne anglophone Libya Herald, un membre de la brigade Nawassi, qui serait à l’origine de l’arrestation, affirme que les douze hommes n’ont pas été arrêtés à cause de leur orientation sexuelle mais pour tapage nocturne et possession de drogues et d’alcool (interdit en Libye). Le milicien assure que ces hommes seront livrés au Ministère de la justice et que les commentaires et les photos sur Facebook sont dus à une erreur de communication. Arrêté dans un café Selon Hadi, en contact avec ses amis désormais relâchés, ceux-ci ont eu les cheveux coupés de force par les membres de la brigade qui les auraient aussi battus. Un de ses amis, Anas, dit avoir été détenu il y a plus d’un mois par le même groupe, dans un quartier chic de Tripoli. Anas affirme avoir été arrêté dans un café avec un ami. Pendant deux jours, les deux hommes ont été prisonniers de ce groupe qui les a «punis» en les battant et en les humiliant, notamment en rasant les longs cheveux d'Anas. Depuis sa libération, les miliciens continuent à l’appeler pour le menacer et lui proposer des rapports sexuels. Assis à côté de lui, Hadi soupire: «Je me laisse pousser la barbe maintenant pour qu’ils me laissent tranquille». En Libye, l’homosexualité est un sujet tabou: «A la maison nous faisons comme si nous étions hétéros, on ne peut absolument pas en parler!» Selon le groupe d’amis, des attaques similaires se sont multipliées depuis le mois de janvier. «Avant ils (les miliciens) étaient trop occupés avec la révolution et les pro Kadhafi», estime Hadi. Depuis la chute de l’ancien régime, les autorités de Tripoli tentent de reprendre le pays en main. Priorité: démanteler les nombreuses milices qui ne sont pas sous son contrôle. Une opération, lancée en septembre, a tenté de désarmer les milices et groupes armés illégaux. De nombreuses milices sont désormais sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur ou de la Défense, mais le pouvoir central a besoin de certaines d’entre elles pour garantir la sécurité. Dans certaines régions, notamment dans l’Est, ce sont les milices, intouchables, qui font la loi. «Nous voulons quitter la Libye» Les photos ont été retirées de la page Facebook de la brigade Nawassi mais elles étaient encore visibles dimanche sur la page Facebook d’une autre brigade, sans lien avec la première, la brigade al-Burkan (la brigade du volcan). Inquiets, les quatre amis veulent quitter la Libye. «Pourquoi ne nous laissent-ils pas tranquilles? Nous ne faisons de mal à personne. Nous voulons aller en Egypte à la fin de l’année. Peut-être que nous y resterons. Nous rêvons tous d’aller en Hollande parce que là-bas ils respectent les droits des gays.» |
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