24/01/2013 RENCONTRE. La journaliste et écrivaine russo-américaine est sans doute la première personnalité publique à avoir fait son coming-out en Russie, juste après la chute de l'URSS. Elle est attablée devant un americano, dans l'un des nombreux salons de thé cosy que compte la capitale russe. Comme souvent à Moscou, l'établissement n'a pas pignon sur rue. Seuls les habitués sauront que le café Delicatessen les attend au fin fond d'une ruelle zigzagante. Tout de suite, Masha Gessen met les choses au clair: «je ne fais partie d'aucune association LGBT.» Pour cette Russo-Américaine qui vient de fêter ses 46 ans, on ne peut être organisatrice et journaliste en même temps. Non, pour la nouvelle directrice de Radio Svoboda («liberté» en russe), le mieux qu'elle puisse faire pour défendre la cause des lesbiennes en Russie, c'est de rendre son homosexualité aussi publique que possible. Coming out militant Dès 1993, elle écrit un ouvrage sur les droits de la communauté LGBT russe. Son coming-out ne date pas d'hier: «J'ai affiché mon orientation sexuelle à 15 ans, lorsque je vivais aux Etats-Unis. Lorsque je suis rentrée à Moscou dans les années 1990 (son lieu de naissance, ndlr), j'ai tout de suite fait mon coming-out.» Vingt ans donc que son homosexualité n'est plus un secret. Et en Russie, un pays où être homo faisait de vous un criminel jusqu'en 1993 et un malade mental jusqu'en 1999, c'est beaucoup. Mais Masha Gessen n'est pas du genre à se laisser intimider. Pour preuve, son refus de couvrir l'été dernier le vol en deltaplane de Vladimir Poutine, énième exploit très médiatisé du président russe. La journaliste et écrivaine est alors rédactrice en chef du magazine russe Vokrug Sveta. Elle est aussitôt renvoyée. Comble de l'histoire, Vladimir Poutine l'invite à s'entretenir avec lui au Kremlin et lui propose d'intervenir pour qu'elle retrouve son poste. «J'ai bien sûr dit non. Je ne veux rien devoir à Poutine, surtout pas mon job.» «Sacrifier des gens pour de la propagande» Aux Etats-Unis où elle a passé toute son adolescence, Masha Gessen s'est mariée à une femme avec qui elle a eu deux enfants, dont un qu'elle a adopté. Aujourd'hui, elle a une autre partenaire avec qui elle vient d'avoir un troisième enfant. En parlant d'adoption, la journaliste ne pense pas grand chose de la «loi des salauds», comme l'ont baptisé ses détracteurs (la nouvelle loi russe interdisant aux citoyens américains d'adopter des enfants russes, en vigueur depuis le 1er janvier). C'est bien simple, «il n'y a rien à penser. C'est absurde, hausse-t-elle les épaules. Une fois de plus, cela montre le vrai visage du régime russe, qui sacrifie des gens pour de la propagande.» Lorsqu'on évoque le mariage homo qu'elle a elle-même pratiqué, Masha Gessen explique que «le droit de se marier est absolument nécessaire. Parce que tout le monde doit avoir les mêmes droits.» Mais entre nous, «je hais l'idée du mariage», assure Masha Gessen. «Je hais l'idée que l'Etat s'immisce dans ma relation amoureuse, lorsque je me marie ou lorsque je divorce. Si je m'y résigne, c'est uniquement pour des raisons logistiques et financières et pour mes enfants.» Masha Gessen est l'auteure d'une biographie de Vladimir Poutine, disponible en anglais et parue en 2012, The Man Without a Face: The Unlikely Rise of Vladimir Putin. |
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