29/11/2013 Debout à l'arrière d'un pick-up, six hommes en uniforme vert patrouillent Kano, la grande ville du nord du Nigeria, à la recherche de prostituées, de leurs clients, de travestis, d'ivrognes et de toxicomanes. Debout à l'arrière d'un pick-up, six hommes en uniforme vert patrouillent Kano, la grande ville du nord du Nigeria, à la recherche de prostituées, de leurs clients, de travestis, d'ivrognes et de toxicomanes. C'est la police des moeurs du Nigeria, appelée Hisbah, chargée de vérifier l'application de la charia, en vigueur dans la partie nord, à majorité musulmane, du plus peuplé des pays d'Afrique. Leurs patrouilles repèrent aussi les hommes et femmes qu'ils jugent habillés de manière indécente ou se comportant de manière "immorale". Et même ceux ayant des coupes de cheveux à l'occidentale, à leurs yeux une violation de la loi islamique. "Dès que nous recevons une information de la part de nos agents ou une dénonciation au sujet d'un acte immoral, nous mobilisons nos hommes pour y mettre fin. Nous arrêtons les auteurs. Ils seront poursuivis en justice ou recevront une aide psychologique", explique Adamu Haruna Bayero, chef de la patrouille. Ces dernières semaines, ces groupes ont multiplié les mesures répressives et procédé à des centaines d'arrestations à Kano après une directive du gouvernement local appelant à nettoyer la deuxième ville du pays de pratiques jugées immorales. Ces descentes coïncident souvent avec des fêtes religieuses, lorsque les limites des comportements jugés acceptables sont parfois franchies, en particulier chez les jeunes. Mais d'autres soupçonnent des motivations politiques après que des rivaux du gouverneur Rabiu Musa Kwankwaso l'ont accusé de manquer d'enthousiasme dans l'application de la charia, qui co-existe avec des lois laïques. La population du Nigeria est constitué en parts égales de musulmans, au Nord, et de chrétiens, majoritaires au Sud. Des coupes de cheveux à la Zidane La police des moeurs compte 9.000 personnes à Kano, pour 5 millions d'habitants. Depuis sa création en 2001, elle est considérée comme un moyen essentiel pour endiguer la toxicomanie et la prostitution, des problèmes qui se sont aggravés dans une région où le taux de chômage est le plus élevé du pays. "Dans certains endroits, on voit des gens flirtant au bord de la route", explique Adamu Haruna tout en passant des coups de fil pour indiquer aux agents de la Hisbah la localisation de leur prochaine descente. Au marché de Kano, l'action de la Hisbah recueille une large adhésion. "Les jeunes ici portent des jeans serrés, et ils les font tomber sur leurs hanches", se plaint un homme. "Ils sont nombreux à copier la coupe de cheveux des footballeurs (Mario) Balotelli ou (Zinedine) Zidane", peste-t-il. La nuit, la Hisbah braque ses torches dans les bordels, mais aussi les pousse-pousse motorisés - un moyen de transport important de la ville - pour vérifier si des jeunes ne sont pas en train de se bécoter. Les raids du groupe se sont étendus au quartier des prostituées, situé dans la zone de Sabon Gari, à majorité chrétienne. Les chrétiens accusent la police des moeurs de les harceler. La religion est un sujet délicat au Nigeria, en proie à l'insurrection de Boko Haram, auteur de nombreuses attaques sanglantes contre les chrétiens, et qui veut faire appliquer strictement la charia dans tout le pays. La Hisbah affirme imposer l'ordre sans se soucier de la religion des contrevenants. "Ces arrestations incluent des musulmans et des non-musulmans. Nous les traitons de la même manière parce que c'est la morale qui est en jeu", précise ainsi le porte-parole de la Hisbah, Mohammed Yusuf Yola. Des lesbiennes sur notre Internet Les personnes arrêtés pour la première ou deuxième fois reçoivent en général un suivi psychologique. Les multirécidivistes sont poursuivis en justice, risquant amende voire peine de prison, explique le vice-commandant du groupe, Nabahani Usman. Pour sa part, la Hisbah juge que les sanctions prévues par la loi ne sont pas assez dissuasives. Des contrevenants ont eu le choix récemment entre payer une amende entre 10.000 et 15.000 naira (entre 46 et 70 euros) ou passer deux mois en prison. La plupart a préféré l'amende. Le recul de l'autorité parentale et des valeurs familiales, sur fond d'augmentation des divorces et de la pauvreté sont les causes de la hausse des comportements immoraux, consommation de drogue et délinquance notamment, explique Nabahani Usman. Quelque 400 usines ont fermé à Kano en vingt ans, faisant basculer beaucoup de familles dans la pauvreté. Il blâme aussi l'influence des cultures étrangères qui s'infiltrent par la télévision satellitaire et Internet. "Nous avons découvert récemment un groupe lesbien - Kano lesbian group - sur notre Internet, c'est très fâcheux", récrimine-t-il. "Nous avons découvert récemment un groupe lesbien - Kano lesbian group - sur notre Internet, c'est très fâcheux", récrimine-t-il. |
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