bonjour psy,

voilà un court résumé de mes 25 dernières années.

Je suis en instance de séparation avec ma compagne. Vivant ensemble depuis plus de 20 ans, hormis quelques mois aprés quelques années de vie commune où je l'ai quittée pour vivre avec un garçon. Cela ne s'est pas bien passé, et j'en ai conclu, peut être attivement, que la vie en couple gay n'était pas faite pour moi.
Elle a accepté trés (trop ?) facilement que l'on revive ensemble et nous avons eu deux enfants (15 et 10 ans aujourd'hui). Mais nous n'avons jamais parlé au fond de mon attirance pour les hommes et j'ai bien sûr eu d'autres relations ensuite. Relations du coup cachées, peu épanouissantes, en tout cas côté moral et ouverture sur les autres, au monde.

A 42 ans, j'aurai l'opportunité, certe difficile vu l'ambiance jeuniste du milieu, de pouvoir commencer à vivre une vie gay. Tous nos amis proches sont au courant de mes "penchants pédé"... et là j'ai l'impression de bloquer.
Je suis trés mal en me projettant dans l'avenir.
Nos relations de couple s'étant améliorés avec ma compagne depuis que nous avons "sorti les dossiers" comme disent les ados, j'ai l'impression d'être de nouveau amoureux d'elle. Je n'ai plus envie de la quitter... même si elle a pris la décision d'arrêter pour tenter d'être enfin aimée vraiment pour elle (elle n'est pas convaincue de mes nouveaux sentiments pour elle... et je me pose aussi la question d'ailleurs !).

Alors qu'est ce qui ne va pas chez moi, docteur ? Je suis tout mal et pleins de questions... en voici quelques unes :
- est-il réel que je ne puisse envisager vivre mon homosexualité qu'en dehors du couple gay ? Es-ce de vivre un jour avec un homme qui me fait peur (vis à vis de la famille, du travail, des enfants) ? et pourtant je n'ai aucune envie de vivre seul ! (même si les enfants seront là une semaine sur deux).
- pourquoi ai-je envie, aujourd'hui que la messe semble dite, de reconquérir ma compagne ? (la peur de la voir partir, s'épanouir ailleurs, vivre loin de moi...) ?
- pourquoi ai-je si peur de vivre seul ? La peur de ne pas assumer cette vie, et finalement de gacher ma fin de vie et les quelques rares belles années qui me restent ?
- comment accepter de tenter cette opportunité qui s'ouvre à moi ? et pourquoi en ai-je peur ?

Ah, dur dur la vie !!! J'ai parfois le regret d'avoir, plus jeune, gacher les chances d'éclaircir mon être intérieur... et en même temps, je suis tellment heureux d'avoir construit cette famille et d'avoir eu ces deux superbes enfants avec cette femme que j'aime malgré tout, et pour qui je m'inquiète aussi pour l'avenir.

Je devine que tu ne vas pas me donner de réponses toutes faites à ces questions si complexes et imbriquées. J'ai un premier rendez-vous avec un collègue à toi dans les jours qui viennent... et je crains de me livrer, n'étant pas d'un naturel extraverti.
Je remarque en fin de ce message que les mots : peur, solitude, regrets reviennent quand même beaucoup dans mon ressenti...

Aurais-tu quand même quelques pistes de réflexion qui me permettront d'avancer vers... ? quoi, je ne sais pas encore !

salutations / philippe

Questions terribles, presque une remise en question globale, un changement de cap ! Bien sûr que vous avez raison de savoir ne pas regretter d'avoir eu cette vie-là, d'avoir fondé votre famille, d'avoir aimé (et d'aimer encore) votre épouse. Bien sûr votre route aurait pu être différente, et sans doute tout aussi passionnante, mais il est impossible de réécrire l'histoire et somme toute, le bilan de cette première partie de votre vie est très enviable et très honorable ! Rassurez-vous, il vous reste encore beaucoup d'années pour continuer les explorations. Je ne vais bien sûr pas vous apporter de réponse satisfaisante en deux ou trois paragraphes, mais votre message appelle quelques réflexions. La première est sur la question du choix. Etes-vous certain qu'un nouvel équilibre personnel passe nécessairement par un "choix", autrement dit, n'y a-t-il aucune autre solution pour conserver à la fois votre épouse, fondation incontournable de votre famille et de votre bonheur, et vous épanouir parallèlement avec un compagnon de route masculin ? La deuxième est sur le problème de la discussion et de la négociation. N'est-il pas envisageable (mais peut-être l'avez-vous d'ailleurs déjà fait) dans les mois qui suivent de pouvoir discuter de la suite de vos vies respectives, de votre couple, avec votre épouse ? Sans animosité, calmement, chacun indiquant ses souhaits, pour envisager une option compatible et pourquoi pas commune ? Et enfin, avez-vous pensé à une séance de couple avec un médecin psychiatre ou un psychologue spécialisés dans ce domaine, puisque finalement le problème vous concerne un peu tous les deux, votre orientation sexuelle étant ce qu'elle est, éminemment respectable ?
Le chemin va être encore un petit peu long avant d'avoir les bonnes réponses à toutes vos questions, il va falloir en piocher des éléments (de réponse) de ci, de là, mais c'est certainement ce qu'on appelle le début de la sagesse...
Bon courage et bonne continuation,
Amitiés,
Alex.